Edouard Philippe a annoncé à Roubaix le 23 février dernier une nouvelle réforme des outils du commerce extérieur. S’il pose les bonnes questions et part des bons constats, la réforme ne semble pas révolutionnaire et ne fait qu’arriver dans la continuité de la précédente. On notera toutefois des efforts importants côté financement du commerce extérieur. Voici une 1ère analyse du document de 24 pages remis par le gouvernement.
Le constat porté par Edouard Philippe est alarmant, 38 Milliards de déficits du commerce extérieur, 5000 entreprises réalisent 90% des exportations françaises et sur les 123 000 entreprises qui font au moins 1 euro à l’export la plus grande partie ne le refont pas l’année suivante.
Sur ce constat difficile, le 1er ministre propose une réforme des outils dont l’objectif est de « diffuser de façon bien plus large une culture export par un soutien public plus simple et par des financements plus compétitifs »
1ère réforme : la formation en langues étrangères et au commerce international
La première mesure vise l’amélioration des compétences linguistiques notamment des étudiants pour lesquels l’état financera une certification en anglais avant d’entrer en cycle universitaire. Pour l’enseignement supérieur, l’Etat compte exiger un niveau de type B2 minimum pour accéder au diplôme.
Pour les salariés, l’Etat compte renforcer la formation continue en langues, mais aussi en commerce international. Sur ce dernier point un parcours de formation export spécifiquement dédié aux PME-PMI devrait être créé. Les organismes chargés de piloter cette action seront les DIRECCTE, les Agences régionales, les CCI et les Conseillers du commerce extérieur de la France
2ème réforme : Le guichet unique en Région
C’est un peu l’arlésienne du commerce extérieur, on parle depuis 15 ans de « L’équipe de France de l’export » qui n’a jamais réussie a être une véritable équipe. On change le vocable pour parler maintenant de « team France ». La nouveauté est de permettre aux régions d’avoir le rôle central « elles disposent de la compétence économique au titre de la loi Notre, elles assureront maintenant le co-pilotage avec l’Etat du modèle qui pourra être différent dans chaque Région.
Pour appuyer cette réforme, une plateforme numérique devrait être créée regroupant toutes les offres publiques ou privées s’adressant aux entreprises qu’elles soient publiques ou privées, une plateforme qui intégrera les offres de financement pour les entreprises centralisées par BPI.
Le tout devrait être coiffé par un outil de type CRM pour permettre un suivi individualisé de l’entreprise.
3ème réforme : un correspondant unique à l’étranger
Ce sera sans doute la partie la plus difficile à piloter de la réforme, car depuis de longues années des différences apparaissent à l’étranger notamment entre les CCI Françaises et les bureaux de Business France à l’étranger. L’Etat commence par un geste qui est le retrait de Business France de 8 pays (Singapour, Japon, Philippines, Hong-Kong, Russie, Norvège, Belgique, Espagne)
On devrait voir à cette occasion la 1ère délégation de service public octroyée à un organisme privé, ce qui est une sorte de reconnaissance de la montée en compétence du dispositif privé.
4ème réforme : le financement et l’assurance prospection
Si sans surprise BPI France est confirmée dans son rôle pour les financements publics, elle assure aussi dorénavant la diffusion de la plupart des garanties publiques.
L’assurance prospection devrait être amplifiée et simplifiée. Les échanges de données en amont et en aval seront extrêmement réduits et les engagements de l’Etat seront annoncés dès le départ pour les budgets de dépenses alors qu’ils pouvaient varier annuellement précédemment.
Le principal de la réforme de l’Assurance prospection se situe autour de trois points :
- Les entreprises recevront une avance de 50% des dépenses en début de contrat.
- Elles devront rembourser au minimum 30 % des sommes perçues à partir de la 4e ou 5ème année.
- la durée de remboursement s’allonge avec deux à trois de dépenses, puis deux ans de « franchise » et ensuite une période de 3 à 4 ans de remboursement
S’il est difficile de voir toute la portée de la réforme aujourd’hui, car le principal tient aussi dans l’instruction des dossiers et dans les montants accordés, on ne peut pas affirmer que ce soit une réelle simplification du dispositif car c’est un mécanisme d’assurance avec un remboursement. L’analyse de l’entreprise doit dorénavant porter sur 3 périodes : dépenses franchisées et remboursement. L’introduction de la période de franchise de deux ans, le minimum de remboursement de 30%, introduisent des facteurs réels de réflexion sur la pertinence du montage. Un calcul amont devra être fait avant de s’engager.
Par contre l’avance de trésorerie va beaucoup simplifier les choses pour les PME-PMI ou TPE qui devaient aujourd’hui s’appuyer sur des mécanismes bancaires pour ce faire.
Exit la petite assurance prospection « A3P » simplifiée sur des petits montants avec des analyses automatiques. Elle grevait les comptes sans pour autant pouvoir présenter des résultats.
5ème réforme : financement : la création d’un « Pass Export » et l’agrandissement des garanties
Pour les exportateurs récurrents un contrat de confiance appelé « Pass Export » va être proposé par les pouvoirs publics. Il octroiera une sorte de label à l’entreprise qui pourra alors bénéficier de façon systématique des meilleures garanties et financements possibles, dans la mesure où la part française dans leur produit sera suffisante sur la base d’une moyenne de ses exportations .
Dans ce process il sera proposé un allégement des procédures de demandes de garanties qui passeront d’un contrôle préalable à une analyse globale de l’intérêt industriel que représente l’exportateur pour l’économie française, une notion assez floue qui demandera a être confirmée sur les critères d’analyse.
Plusieurs garanties vont aussi être créées :
- le financement de projets stratégiques de 1ère importance pour l’économie française,
- un nouveau contrat de garantie pour les sous-traitants des grands groupes même si les entreprises concernées ne sont pas directement exportatrices
- La garantie des filiales à l’étranger pour soutenir les exportateurs y compris quand le contrat ou la législation du pays oblige à créer une filiale locale. Ce dernier contrat est une véritable évolution dans le dogme de l’administration qui avait du mal à admettre les obligations données par les entreprises ou états étrangers de s’implanter pour pouvoir accéder à des contrats. Ceci devrait permettre à de nombreuses PME d’être plus sereines dans leurs investissements .
Enfin on notera :
- la garantie de change est étendue à 11 nouvelles devises. Elle permet de fixer un cours de change pendant la période de négociation ou du contrat
- La création de financements export court terme : 2 ans
- Le déplafonnement des garanties sur la zone de l’Afrique Subsaharienne