Le 21 décembre dernier Emmanuel Macron a officialisé la fin du Franc CFA et de la souveraineté française apparente sur la monnaie en vigueur dans de nombreux pays d’Afrique de l’ouest. Il sera remplacé par l’ECO dès 2020.
Après 75 ans de règne, on enterrera dignement le Franc CFA, probablement à l’occasion du sommet France Afrique de juin prochain, au profit d’une nouvelle monnaie qui sera toujours garantie par la Banque de France, tout du moins dans un 1er temps, mais dont la gouvernance sera exclusivement assurée par ses pays membres.
Cette victoire symbolique d’une monnaie considérée souvent comme la survivance du colonialisme ne change pas fondamentalement les choses du point de vue technique car la parité fixe par rapport à l’euro et la garantie accordée par la Banque de France demeure en cas de crise, mais assortie d’un droit de retour dans les instances si jamais la garantie venait a être activée.
« Il était l’héritage d’un système historique et il était perçu comme les vestiges d’une Françafrique. La sortie de la France et des nominations que nous faisions dans les instances de gouvernance est cohérente à cet égard », a expliqué Emmanuel Macron devant son homologue ivoirien, lors de sa visite à Abidjan. Ces changements vont concerner 8 pays en Afrique de l’Ouest et non les 14 pays qui utilisent le franc CFA. Ne sont donc pas concernés pour le moment les pays d’Afrique Centrale qui gardent le Franc CFA.
L’intention est de faire de l’ECO le ciment monétaire de la CDEAO (Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest) pour en faire une zone économique de libre échange avec tous les attributs d’une Union Économique. Le Ghana a d’ores et déjà fait savoir qu’il souhaitait rejoindre l’ECO ce qui solidifiera cette nouvelle monnaie.
Plus aucun représentant français ne siégera à la Banque Centrale d’Afrique de l’Ouest qui sera le gestionnaire de l’Eco. Symboliquement c’est assez fort car les décisions qui étaient prises de façon consensuelle dépendaient pour beaucoup de la position de la France.
Le taux de change restant fixe par rapport à l’Euro limite fortement la portée de cette création. Comme l’explique l’économiste Kako Nubukpo, qui a beaucoup milité pour la fin du franc CFA. « L’Euro est une monnaie forte, et cela crée des problèmes de compétitivité pour les économie africaines qui l’utilisent. » Il ne cache pas toutefois sa satisfaction face a cette annonce qui est pour lui l’aboutissement d’un long processus.
De son coté le Président Ouattara a déclaré « C’est un jour historique pour nos pays. Nous avons décidé de faire une réforme du franc CFA avec les trois changements majeurs suivants : tout d’abord, le changement du nom de la monnaie du franc CFA à l’Eco. Deuxièmement l’arrêt de la centralisation de 50% de nos réserves de change au Trésor et la fermeture du compte d’opération. Troisièmement le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l’UEMOA. »
Le président Ouattara a de son coté défendu la parité fixe avec l’Euro qui pour lui est un gage de stabilité et permet de donner une visibilité aux investisseurs économiques, qui attribue de son coté les bons résultats économiques de son pays en partie a la stabilité monétaire. Il pense de son coté qu’une monnaie variable engendre des incertitudes quand au montant de remboursement d’une dette et le manque de visibilité des acteurs économique est, selon lui, le 1er ennemi de l’investissement.
L’accord rentre en application dès début janvier et Bruno Lemaire a indiqué que le compte de dépôt à la direction du Trésor de 50% des liquidités des états concernés sera fermé courant 2020.
Concrètement parlant, le glissement du franc CFA à l’ECO devrait être progressif et ne devrait pas engendrer de tensions si les critères de convergences des pays concernés restent les mêmes. Ceux-ci ont déjà été définis : pour le déficit, rester en dessous de 3 % du Produit intérieur brut , de 10 % d’inflation, et avoir une dette inférieure à 70 % du PIB.
Le nouveau symbole de l’ECO va être « EC » qui sera géré par la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest. La conférence des Ministres des finances des pays concernés a de son coté appelé à « accélérer » ses efforts en vue de « la création de l’union monétaire de la Cedeao en 2020 ». Ce qui montre bien que malgré les annonces politiques le calendrier reste, lui, à définir.