Spécialiste de la Turquie pour laquelle il s’est passionné et a fait sa thèse et des mémoires, Adrien Jouteau, analyste à l’ADIT, nous décrypte la situation Turque dans une des zones les plus chaudes de la planète.
La Turquie reste du point de vie géopolitique très dépendante de la situation en Syrie et de ses relations avec la Russie.
« La Turquie a été extrêmement marquée par la guerre en Syrie, le choix de soutenir les rebelles au régime de Damas a couté très cher à la Turquie,» explique Adrien Juteau « mais cela leur a permis de gagner une nouvelle place sur l’échiquier international avec des capacités de négociations, et cela a servi également la politique intérieure du Président. »
« Cette position centrale des Turcs, les amitiés anciennes et le soutien affiché aux frères arabes donne un positionnement unique au pays. N’oublions pas que la Turquie reste très proche du gouvernement Khurde du Nord, Erbil a été le meilleurs allié de la Turquie en 2014 qui les a laissé passer en Syrie quand il a fallu intervenir.»
« Depuis cette semaine et la guerre IRAN – USA, la Turquie a la possibilité de faire valoir sa capacité à discuter, à la fois avec les iraniens mais aussi avec les américains, avec également sa capacité à s’exprimer aux Nations Unies. Si on s’en tient a une analyse du point de vue religieux, ils ont aussi une capacité à discuter avec l’Arabie Saoudite et en même temps avec l’Iran. »
La Turquie occupe deux régions en Syrie pour mettre en place ce cordon sécuritaire qui correspond, pour le pays, à une vraie stratégie de contrôle des relations avec cet encombrant voisin.
« L’Iran est à la fois un concurrent et un partenaire pour la Turquie, les deux veulent faire émerger leur différence dans la zone. La Turquie de son coté est encore très dépendante des matières 1ère iraniennes et a dû contourner les interdictions américaines depuis de nombreux mois pour s’approvisionner. Ce qui n’est pas sans déplaire aux dirigeants turcs qui ont une position identitaire de défiance vis à vis des USA. »
« Pour l’instant les autorités Turques on une position de diplomate sur la crise iranienne, » reprend Adrien Jouteau, « ils ne veulent froisser personne, ils ont condamné l’attentat américain sans pour autant en rajouter sur le général décédé.»
Sur le sujet Libyen, Adrien Jouteau estime que c’est un effet d’opportunité. « L’idée de montrer que la Turquie est active sur la scène internationale et qu’elle a une capacité d’action et de déploiement est surement la première des motivations et cela servira le Président auprès de l’opinion publique pour laquelle le soutien aux populations musulmanes est toujours bien vu. Mais les problématique logistiques vont de toutes les façons limiter les actions possibles du pays en Libye. »
Sur le coté politique
L’annulation de l’élection d’Istanbul a été une très mauvais opération pour le pouvoir et le Président. « Avec une victoire 56-44, Ekrem İmamoğlu, le nouveau Maire d’Istanbul, a une vraie légitimité et s’ouvre la possibilité de viser les plus hautes fonctions. »
« Pour le moment l’AKP reste au pouvoir grâce à son alliance avec le parti nationaliste, mais il perd quelques grandes figures et les dissidents de l’AKP sont en cours de création de nouveaux partis. »
On est donc probablement au début d’une nouvelle dynamique politique en Turquie qui devra être confirmée dans les mois qui viennent.
MH
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