TRIBUNE
Mourad El Mahjoubi
Directeur Général Afrique
de l’emlyon Business School
La crise sanitaire que nous traversons a mis en avant la réflexion sur les modèles pédagogiques. Les écoles, institutions et organismes de formation ont dû gérer avec agilité une continuité d’activité tout en essayant de garantir la promesse de valeur de leur formation.
Certains étaient prêt pour ce passage 100% en ligne, d’autres avaient initié des démarches dans la digitalisation, d’autres ont dû improviser. Dans tous les cas, ce virage forcé vers le numérique se révèle avoir été un véritable booster de la digitalisation de l’enseignement.
Alors qu’aujourd’hui l’avenir est encore flou quant aux conditions dans lesquelles les établissements seront amenés à accueillir et former leurs étudiants, on peut déjà tirer un certain nombre d’enseignements de cette période inédite.
Salles virtuelles, solutions de visio-conférences, plateformes numériques, MOOC … la batterie des outils déployés a fortement varié en fonction de la maturité numérique des établissements. Mais au-delà de l’aspect technologique, l’expérience démontre clairement qu’il ne suffit pas de connecter une webcam pour assurer la continuité pédagogique !
Si les outils ont permis cette bascule rapide du physique au digital, ils ne sont que la partie immergée de l’iceberg. En effet, c’est toute la pédagogie qui doit être adaptée et repensée pour s’adapter à ce nouvel environnement d’enseignement. Les enquêtes menées sur le sujet ont tendance à montrer que le timing n’a pas toujours permis une adaptation optimale. Cela constitue un axe important pour l’avenir.
Si la transformation digitale est sur le devant de la scène depuis plusieurs années déjà, cette crise a également mis en exergue certaines contraintes. La fracture numérique n’aura jamais été aussi saillante que dans cette période. Comment assurer cette continuité dans un contexte qui interdit toute interaction physique, avec un accès limité voire inexistant à internet, sans matériel informatique ? Un certain nombre d’initiatives a permis de minimiser le nombre d’étudiants laissés sur le carreau. Toutefois, il est évident que l’infrastructure d’un côté, et l’équipement des apprenants – et des enseignants – sont des facteurs clés de succès indispensables.
Cette expérience a également permis de mettre à mal certaines croyances. Nous pensions que nos jeunes générations nées dans le digital, passeraient ce cap naturellement. Or, la réalité c’est parfois révélée plus complexe, puisqu’un certain nombre d’outils étaient complètement nouveaux pour eux ! En revanche, ils ont démontré une capacité d’adaptation et d’appropriation des outils très rapide.
Au-delà des constats, cette crise constitue une véritable opportunité pour repenser les modèles pédagogiques dans l’enseignement supérieur, et imaginer les modèles de demain. L’expérience démontre que si le digital constitue un levier important, il ne peut se substituer aux interactions riches entre un professeur et sa classe, entre des membres d’une promotion, etc. Les modèles basés sur le blended learning (association du digital et du présentiel), semblent une alternative intéressante aux modèles classiques que nous connaissons aujourd’hui.
Les effets de la crise covid vont être profonds et systémiques, et nous pouvons déjà imaginer qu’il n’y aura pas de retour « à la normale ». Ceci constitue une occasion de bousculer les paradigmes dans le domaine de l’éducation. C’est également une réelle opportunité pour l’Afrique. Le continent a déjà démontré sa capacité à s’approprier le levier du digital, à travers un développement rapide et de nombreux « leap frogs ». Si le continent doit urgemment lever les freins liés à l’infrastructure, il a devant lui une opportunité sans précédent d’être un précurseur comme il a déjà pu le faire dans le domaine du mobile banking notamment.