Le dernier rapport publié par l’Assureur Crédit Euler Hermes, prédit un fort ralentissement du commerce mondial qui ne devrait pas augmenter de plus de 1,5% en 2019 contre 3,8% en 2018. La faute aux tensions commerciales, à la course vers la technologie, et à la fin du multilatéralisme. Toutefois la France s’en sort mieux que les autres.
Le commerce international de biens et services est entré en 2019 dans un cycle de croissance basse. Les échanges commerciaux à l’échelle mondiale ne devraient croître que de +1,5% en volume cette année (+3,8% en 2018). En cause évidemment, les tensions commerciales sino- américaines qui ont plongé l’économie internationale dans l’incertitude, et ainsi entrainé une décélération de la demande mondiale, mais également des chocs spécifiques dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique.
« Les taxes américaines sur les importations ont crû de +5 points en moyenne, cequi les amène au même niveau qu’à la fin des années 1970. Ce retour en arrière a créé un fort choc d’incertitude qui a touché de nombreux pays, et s’est propagé à l’économie réelle », analyse Georges Dib, économiste chez Euler Hermes et co-auteur du rapport.
Ce sont les économies les plus ouvertes et exposées aux échanges internationaux qui en font les frais : l’Allemagne, dont la croissance économique devrait être limitée à +0,6% en 2019 ; les trade hubs asiatiques, dont la Corée du Sud, le Japon, Singapour et Hong-Kong, n’ont pas été épargnés.
LA FRANCE S’EN SORT MIEUX QUE LES AUTRES
La France, en revanche, fait partie des pays qui ont su tirer leur épingle du jeu en 2019. « Depuis le début de l’année, les entreprises françaises se sont substituées aux entreprises chinoises comme fournisseurs des entreprises américaines à hauteur de 3,8 Mds EUR et en parallèle, elles ont capté 1,4 Mds EUR de débouchés chinois. Cela s’explique en grande partie par la performance du secteur aéronautique », justifie Georges Dib.
Au total, les exportations françaises devraient croître de +16 Mds EUR en 2019. Un léger recul par rapport à 2018 (-2 Mds EUR), qui reste modéré au vu de la situation économique et commerciale internationale (Brexit, crise allemande, tensions commerciales mondiales). Le grand export est le débouché le plus porteur pour les exportateurs français, avec +10 Mds EUR à saisir en 2019.
EN 2020, LA CONJONCTURE MONDIALE NE SERA PAS PLUS PORTEUSE
L’année 2020 ne devrait être guère plus porteuse pour le commerce international de biens et services, qui ne devrait croître que de +1,7% en volume selon Euler Hermes. Un cycle de croissance basse s’amorce.
ll y a quelques semaines, une hausse des taxes américaines sur les importations en provenance d’UE a été mise en place par l’administration américaine. Parmi les pays les plus touchés par cette décision, on retrouve le Royaume-Uni, pour qui le manque à gagner à l’export sera de -1,3 Md EUR, l’Allemagne (-0,8 Md EUR) et l’Espagne (-0,4 Md EUR). La France sera le deuxième pays le plus affecté, avec un manque à gagner à l’export de -1 Md EUR, particulièrement pour les producteurs de vins et le secteur aéronautique.
En France, l’année 2020 sera moins porteuse pour les exportateurs, avec une demande externe additionnelle à saisir de seulement +10 Mds EUR (-6 Mds EUR par rapport à 2019). Entre les taxes américaines, le Brexit et la faible croissance économique en zone euro, les débouchés externes additionnels seront moins nombreux l’année prochaine pour nos exportateurs.
Les Etats-Unis resteront, malgré tout, le principal marché à opportunité, avec +1 Md EUR à saisir en 2020. Suivent l’Espagne (+0,9 Md EUR) et la Chine (+0,8 Md EUR). Les équipements de transport, la chimie et la joaillerie seront les secteurs qui bénéficieront le plus du surplus de demande externe en 2020.
VERS UN NOUVEAU MODÈLE DE COMMERCE INTERNATIONAL ?
La première constatation est la fin d’un modèle basé sur le multilatéralisme pour se tourner vers des accords bilatéraux multiples. Poussés par la Chine et les Etats Unis, ces accords bilatéraux permettent de faire des particularismes à l’échelon d’un pays plutôt que d’une région. Souvent déséquilibrés, ces accords bénéficient aux pays les plus puissants. Sur ce sujet l’Europe pourrait bien s’en sortir, si elle sait parler d’une seule voix. La Grande Bretagne en cas de Brexit devrait par contre en souffrir durablement.
LA RSE VA INFLUENCER FORTEMENT LES ÉCHANGES
A moyen terme, les nouvelles règles du jeu du commerce durable pourraient changer la donne du commerce mondial. Premièrement, la réglementation du transport commercial : des limitations plus strictes de la vitesse des navires permettraient d’économiser des coûts, mais le besoin de nouveaux équipements pourrait exercer une pression sur les entreprises de transport déjà très endettées.
Deuxièmement, la réglementation sur les émissions de carbone des produits échangés. Et si les pays et organisations commerciales décidaient d’infliger des pénalités à leurs partenaires commerciaux qui ne respectent pas l’environnement ? Selon les calculs d’Euler Hermes, si l’UE augmente ses taxes à l’import d’un point pour les entreprises ne respectant pas ses normes environnementales, les exportations vers l’UE reculeraient de -7 Mds EUR. Dans le même temps, cette taxe pourrait renforcer la compétitivité des entreprises de l’UE, tout en augmentant la demande de produits de substitution respectueux de l’environnement.
« Un protectionnisme environnemental émerge, et il va jouer un rôle de plus en plus important dans le commerce international et la répartition des flux commerciaux. Par exemple, lors des discussions menées avec le MERCOSUR, l’UE a fait du respect de l’Accord de Paris une condition de négociation sine qua non », illustre Georges Dib.
LE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE, CHANGE LES CHAÎNES DE VALEUR
De nombreuses innovations technologiques, portées par les entreprises de la trade tech, pourraient bouleverser la façon dont les entreprises échangent dans le monde. Le développement des plateformes de commerce en ligne, qui facilitent l’accès à un marché pour les exportateurs, et l’émergence de la blockchain, qui réduit le coût d’une transaction tout en la sécurisant, sont de nature à intensifier le développement du commerce international, car elles le rendent plus sûr et plus accessible aux entreprises.
Toutefois, le développement technologique peut également représenter un frein aux échanges commerciaux entre pays et poser de nouveaux défis. La généralisation de la 5G à l’internet des objets devient un enjeu géopolitique et sécuritaire important tant le risque de cyberattaques augmente. Les savoirs faire composant les chaines de la valeur pourraient être regroupés au profit d’une production internationale moins éclatée, et plus concentrée. Pour prendre un exemple concret, une pièce produite au Vietnam et entrant dans la composition d’un smartphone coréen pourrait désormais être produite directement en Corée du Sud grâce à une imprimante 3D. Certains pays sous-traitant seraient ainsi exclus de la chaîne de valeur internationale, et les échanges commerciaux entre pays ralentiraient à nouveau.
« Néanmoins, de plus faibles échanges ne seraient pas forcément négatifs pour tout le monde : plus les chaînes de valeur sont courtes, et plus les risques opérationnels pour les entreprises sont réduits », conclut Alexis Garatti de Euler Hermes.
Marc Hoffmeister
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