La réduction de la vitesse des navires est présentée par plusieurs armements et pays dont la France comme une solution pour limiter les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime. Quelles conséquences auraient cette approche sur les chaînes logistiques ?
Au sommet du G7 en août 2019 à Biarritz, Emmanuel Macron a évoqué la réduction de la vitesse des navires pour diminuer les émissions des gaz à effet de serre du transport maritime. Destinée aux flux de matières premières acheminées en vrac (pétrole, minerais, charbons, céréales…), cette proposition est aujourd’hui défendue par la France devant l’Organisation mondiale maritime (OMI). Elle a fait l’objet également d’une évaluation d’impacts sur les supply chain internationales par Pierre Cariou, économiste maritime et enseignant-chercheur à Kedge Business School. Selon ses travaux, « réduire la vitesse de 10 à 15 %, soit de 13 à 11 nœuds pour les pétroliers et les vraquiers, et de 17 à 15 nœuds pour les porte-conteneurs, diminuerait de 20 à 30 % les émissions de CO2 ».
Pour des raisons économiques et de surcapacité, le slow-steaming est déjà utilisé dans le conteneur avec des effets environnementaux positifs. En parallèle, « le temps de transit s’est allongé de plusieurs jours sans que cela n’entraîne d’augmentation des coûts ou de ruptures de stocks. Les chaînes logistiques ont donc démontré leurs capacités à intégrer cette nouvelle donne » assure Pierre Cariou. Denis Choumert et Jean-Michel Garcia de l’AUTF et de l’European Shippers’ Council (ESC) tempèrent cette analyse toutefois et soulignent l’impact d’une telle mesure sur les stocks : « l’allongement des délais de transport a pour conséquence d’accroître les risques et impose des stocks de sécurité plus importants ».
De possibles effets pervers
Pour les transports maritimes de vracs, réduire la vitesse de 10 % allongerait les transit-time de 5 à 10 jours entre, par exemple, l’Europe et le Golfe persique (pétrole) ou entre l’Europe, l’Australie, le Brésil et l’Afrique du Sud (minerais de fer et charbon). Pour Pierre Cariou, l’impact financier sur les supply chain serait marginal tout comme les coûts additionnels d’immobilisation de la marchandise en mer et liés à son stockage sur terre. « La faible valeur unitaire des matières premières et l’existence de capacités de stockage suffisantes en Europe laissent penser que l’impact d’un ralentissement de la vitesse des navires de vracs pour l’économie mondiale et pour les consommateurs finaux serait limité. Les chaînes logistiques mondiales sauront rapidement s’adapter à cette nouvelle donne ». Ici, Denis Choumert et Jean-Michel Garcia rejoignent cette analyse. Ils notent toutefois que le slow-steaming pourrait avoir un effet pervers : « pour maintenir leur niveau de service en termes de délais, les armements pourraient être tentés d’accroître leur flotte en compensation d’une vitesse réduite ».
Erick Demangeon
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