Le dernier rapport de la CNUCED sur le transport maritime appelle à la vigilance face à l’évolution de son marché conteneurisé. Horizontales et verticales, les concentrations qui s’y déroulent seraient de nature à changer les rapports de force entre les maillons de sa chaîne logistique.
Sauf rebond économique mondial une fois l’épidémie de Covid-19 passée, le record de 11 milliards de tonnes transportées par mer selon le rapport 2019 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ne sera pas atteint cette année. Selon ses prévisions calculées avant l’épidémie, la CNUCED anticipe une croissance du mode de 3,4 % par an jusqu’en 2024, portée par les flux conteneurisés, les vracs solides et le gaz naturel. Au cours des 5 prochaines années, le transport maritime devrait également « être de plus en plus façonné par la régionalisation des chaînes d’approvisionnement et le rééquilibrage de l’économie chinoise vers des dépenses de consommation et les services ».
Dans l’immédiat, la CNUCED s’inquiète de l’évolution sur plusieurs sous-marchés, conteneurisé en particulier où « l’offre est de plus en plus concentrée ». Autour de trois alliances principales – 2M (Maersk Line, MSC), Ocean Alliance (CMA CGM, Cosco, Evergreen) et THE Alliance (Hapag-Lloyd, One, Yang Ming et Hyundai MM depuis avril 2020) – la part de marché cumulée des 10 premières compagnies est passée de 68 à 90 % entre 2014 et 2019. En parallèle, la capacité disponible sur les principales routes Est-Ouest a quasiment doublé de 55 à 90 MEVP.
Nouveaux rapports de force
Illustrés par CMA CGM avec Ceva Logistics et plusieurs armements d’origine chinoise comme Cosco, quelques transporteurs maritimes conteneurisés sont engagés dans des stratégies de consolidation horizontale sur les chaînes logistiques terrestres. Ce mouvement dépasse la seule manutention bord à quai même si cette dernière demeure dynamique avec 793 MEVP (+ 4,7 %) traités dans les ports mondiaux. Cosco est d’ailleurs le premier manutentionnaire de « boîtes » devant Hutchison (Chine, Hong-Kong), PSA International (Singapour), APM Terminals (Danemark, filiale d’AP Moller-Maersk) et DP World (Emirats Arabes Unis). Cette concentration dans le secteur des conteneurs interpelle la CNUCED. « Elle peut affecter la concurrence et le choix des expéditeurs. Les autorités de la concurrence et portuaires devraient surveiller de près l’évolution du marché et évaluer les options alternatives lors de l’octroi des concessions de terminaux à conteneurs à des opérateurs privés en tenant compte de l’intégration verticale et horizontale de la chaîne logistique ».
Erick Demangeon
Enjeux écologiques
Entre 1990 et 2017, les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime ont progressé de 32 % selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Compte tenu de la progression prévue du mode, ces émissions sont appelées à augmenter. Plusieurs mesures fixées par l’Organisation maritime internationale (OMI) et des conventions visent à limiter cette hausse à l’image des nouvelles règles Marpol VI en vigueur depuis le 1er janvier 2020. Une tendance structurelle semble-t-il puisque l’OMI a défini un nouveau cap en avril 2018 autour de deux objectifs principaux : « réduire d’au moins 40 % les émissions des gaz à effet de serre des navires mesurées à la tonne-km d’ici 2030, et d’au moins 50 % le volume total de ces émissions en 2050 par rapport à 2008 ». Pris pour ralentir le changement climatique, ce cap est une première marche vers la « décarbonisation » du transport maritime. Selon les dernières estimations de l’AEE, le mode serait à l’origine de 3,5 % des émissions de CO2 mondiales dont 3,1 % liées au seul transport maritime international et 0,4 % pour le short-sea domestique.
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