Interview de Marianne Estève, Présidente de la commission Douane du Medef
La présidente de la commission douane du Medef, Marianne Estève, fait entendre la voix des entreprises auprès d’une administration douanière qui évolue dans une série d’accords internationaux complexes dont il est difficile d’appréhender parfaitement des conséquences.
Pour Mariane Estève, l’attractivité d’un accord de libre-échange réside dans sa facilité de mise en œuvre, pourtant il semblerait que ceux-ci se complexifient avec l’introduction de variables sur l’origine douanière qui ont tendance à perdre les entreprises quand il faut passer à la mise en application.
« Au-delà de la multiplication des accords de libre-échange, » explique Mariane Estève, « c’est surtout la multiplicité des types d’accords que l’on constate aujourd’hui. Je ne parle pas des défenses tarifaires que chaque pays veut mettre en place en fonction des intérêts stratégiques de ses entreprises et de leurs produits, mais plutôt du fait que l’on nous propose de plus en plus des accords qui ont des process différents, principalement dans les règles de calcul de l’origine qui sont devenus le fer de lance des négociations entre pays. »
« Si l’on a un texte dont la mise en oeuvre est trop compliquée, il ne sera pas mis en place dans l’entreprise. Depuis l’accord UE-Corée on a de nouvelles dispositions. D’un seul coup tout change ! On inverse les ratios, chaque secteur se voit doté de sa propre règle d’origine… C’est parfois très contraignant, voire impossible à appliquer, de modifier totalement une chaîne documentaire. Par exemple si on oblige à mettre sur des factures certaines mentions, faire évoluer les systèmes d’informations pour un seul accord dans un seul pays a un coût énorme… Si dans un accord on ont doit s’enregistrer sur REX, si, comme pour la Corée il faut être exportateur agréé, ou enfin si comme dans l’accord UE Japon on introduit la notion de connaissance de l’importateur… c’est autant de process à mettre en place au niveau de la gestion opérationnelle. Cela peut même porter préjudice à l’attractivité du dispositif de l’accord. »
Pour Marianne Estève il y a un réel effort à faire pour la promotion des dispositifs, « nous avons de notre coté organisé des réunions avec l’administration pour la promotion des accords, mais il faudrait multiplier ce genre d’initiatives. »
« Il faut que toute la chaîne de la supply chain soit impliquée dans la stratégie à mettre en place sur l’accord visé. Si on n’atteint pas la valeur cible pour bénéficier de l’origine, l’accord sera inopérant pour l’entreprise. »
Le responsable douane change complètement de travail dans l’entreprise pour Marianne Estève « il doit maintenant avoir une vision totalement transversale en dressant la carte des attendus pour chaque pays visé et proposer une optimisation en collaboration avec tous les acteurs de la supply-chain, les acheteurs… »
Encore faut-il avoir un service douane mature dans l’entreprise avec une connaissance de l’environnement réglementaire. On est loin de la vision du douanier déclarant derrière un écran.
« Mais attention, dans certains services achat on a la tentation d’assimiler un accord de libre-échange avec une réduction tarifaire. Ce n’est pas toujours le cas, car il faut regarder précisément si on est capable d’assurer une traçabilité et prouver nos affirmations sur l’origine en cas de contrôle. »
La douane est de plus en plus regardante sur la notion d’origine qui est devenue un vrai enjeu dans les contrôles. « Il y a aussi des profils de pays qui sont plus sensibles : en Chine par exemple, il y aura plus de contrôle sur la valeur que sur l’origine. »
Pour maîtriser ces accords, ce n’est pas une question de taille d’entreprise, « c’est accessible même aux PME » reprend Marianne Estève « elles vont souvent n’avoir que un seul produit concerné, sur quelques pays et de l’affaire c’est plus facile à mettre en place que dans un grand groupe qui travaille souvent en silo. Il existe aussi des consultants spécialisés sur le sujet, si on pas la compétence interne, cela vaut le coup d’externaliser la compétence. Quand on passe d’un taux douanier de 10% à 0 cela impacte fortement la rentabilité de l’entreprise et l’optimisation à une vraie valeur. »
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