Après une période de transition, le Brexit est entré concrètement en application le 1er janvier 2021, marquant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Dans le cadre du rétablissement de la frontière la douane française a développé une solution technologique innovante permettant aux opérateurs d’automatiser le passage de celle-ci par les poids-lourds et maintenir la fluidité de circulation des marchandises : « la frontière intelligente ».
Caroline Cardenas, responsable de la frontière intelligente au sein de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI), précise « À la suite de l’instauration du Brexit, on ne pouvait pas rétablir une frontière à l’instar des autres frontières routières de l’Union européenne ou de la France avec la Suisse. Le flux ne le permettait pas, les infrastructures ne le permettaient pas. On ne pouvait pas arrêter plus de 12 000 camions sur 24h surtout sur des ports qui ne sont pas très grands ou sur le tunnel à Calais qui a une emprise quand même très restreinte. C’est pour ça qu’il a fallu innover… il fallait rétablir une frontière en arrêtant, pour les bonnes raisons, les camions. »
La frontière intelligente repose sur un processus en trois temps. « Tout d’abord, les opérateurs économiques doivent anticiper les formalités douanières avant même que le camion se présente sur le site de départ à l’exportation. Ensuite lors de l’enregistrement du camion, ses formalités sont vérifiées et rapprochées de sa plaque d’immatriculation par le biais d’un système d’information appelé « système d’information Brexit SI ». Ainsi, nous pouvons suivre le trajet du camion et savoir quelles formalités accompagnent la marchandise qui est en train de traverser vers le Royaume-Uni ».
A l’inverse aujourd’hui, quand un camion quitte Douvres (Angleterre), il est appareillé. Les données nécessaires sont alors adressées à la douane française qui, durant la traversée du véhicule, étudie le dossier et décide de le vérifier ou pas à son arrivée.
« A présent, il n’y a qu’un processus de frontière intelligente déployé. Celui à la frontière avec le Royaume-Uni. Il ne concerne que le trafic de marchandises par voie routière, à savoir les camions qui traversent via le tunnel ou un ferry. Cette initiative à deux objectifs principaux : sécuriser le rétablissement des formalités douanières sur cette nouvelle frontière et maintenir un haut niveau de fluidité dans le passage, pour les camions n’ayant pas besoin de s’arrêter ».
Caroline Cardenas insiste sur le fait que la frontière intelligente est différente des frontières traditionnelles. « On a des filtres. Par exemple, à l’import, les marchandises qui doivent faire l’objet de contrôles phytosanitaires sont automatiquement orientées en fil orange pour aller se présenter au service vétérinaire. On essaie de déterminer l’arrêt des camions que pour les raisons nécessaires. C’est totalement différent de la frontière avec la Suisse notamment, où actuellement tous les camions s’arrêtent et font leurs formalités sur place. À la frontière Brexit on arrête vraiment une part assez infime des camions en transit».
Après deux ans de retour d’expérience, les améliorations sont nettement visibles. « La frontière intelligente a été déployée depuis la mise en œuvre du Brexit. Aujourd’hui, c’est un système robuste, qui fonctionne très bien, et qui n’a jamais été indisponible en deux ans. Il nous a permis de mieux connaître les flux et d’avoir une meilleure vision aussi d’un point de vue douanier de nos échanges. L’objectif est atteint, la proportion de camions arrêtés est tout à fait acceptable. Ce sont vraiment des camions pour lesquels on a besoin de contrôler ou de réaliser des formalités sur place, les autres passent librement ».
Pour les entreprises exportatrices, Caroline Cardenas souligne que cette frontière implique quelques changements. « Il faut qu’elles anticipent leurs formalités d’exportation, mais elles le faisaient déjà avant. Ensuite, il faut communiquer avec l’entreprise de transport pour que le chauffeur présente bien ses déclarations à l’enregistrement à l’étape d’appairage à la compagnie de traversée. Il faut une coopération entre l’entreprise exportatrice et l’entreprise de transport routier pour que cette étape-là du process soit réalisée correctement et de manière exhaustive ».
Des évolutions sont à prévoir quant aux futures de la frontière intelligente. « Le défi, c’est de l’adapter au programme de refonte des systèmes de dédouanement. C’est un vaste programme de refonte de tous nos systèmes douaniers informatiques qui s’étalent jusqu’au moins 2025 et là notre processus de frontière intelligente et notre système d’information Brexit doit se mettre en conformité avec les nouvelles exigences de ces nouveaux systèmes, donc pour l’instant, nous travaillons encore sur le cadrage. On laissera le temps aux entreprises de s’approprier les changements de processus éventuels et de se mettre en conformité avec de nouvelles exigences. Peut-être ensuite, on pourra s’en inspirer pour mener d’autres projets de modernisation, notamment à la frontière suisse ou aux autres frontières routières de l’Union européenne ».