Au vu des politiques actuelles, 660 millions de personnes n’auront toujours pas accès à l’électricité en 2030, dont 85% en Afrique subsaharienne. C’est ce que prévoit un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et l’ONU qui vient d’être publié.
Le nombre de personnes sans accès à l’électricité dans le monde a augmenté en 2022 pour la première fois en dix ans, selon cette étude produite en collaboration avec la Banque mondiale (BM), l’agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ainsi, quelque 685 millions de personnes n’avaient pas accès à l’électricité en 2022 dans le monde, soit 10 millions de plus qu’en 2021. Dix-huit des vingt pays présentant les plus grands déficits d’accès à l’électricité se trouvent en Afrique subsaharienne. Les trois premiers pays de ce classement, le Nigeria, la République démocratique du Congo (RDC) et l’Éthiopie, concentrent à eux seuls près d’un tiers du déficit mondial. Le Nigeria, pourtant première économie africaine et premier producteur de pétrole, affiche un taux d’électrification de seulement 60%. C’est le pays qui compte le plus de personnes sans accès à l’électricité (86 millions) au monde. La RDC, malgré l’énorme potentiel hydroélectrique de son fleuve Congo, ne fournit de l’électricité qu’à 21% de sa population. Malgré un potentiel énergétique considérable, comprenant le pétrole, le gaz, le charbon, l’hydroélectricité et des ressources renouvelables telles que le solaire, l’éolien et la géothermie, en 2022, l’Afrique subsaharienne représenterait selon cette étude 83 % du déficit d’accès mondial (571 millions de personnes sur les 685 millions), une augmentation significative par rapport à 2010 où ce chiffre était de 50 %. Cette augmentation s’explique en grande partie par une croissance démographique rapide qui dépasse les efforts d’investissements en infrastructures énergétiques. De plus, en raison de l’instabilité au Moyen-Orient, de la multiplication des sécheresses et des inondations, mais aussi de l’inflation persistante et des taux d’intérêt élevés, les gouvernements et les institutions peinent sur place à investir dans les infrastructures énergétiques nécessaires.
L’électrification est l’un des secteurs qui enregistre le plus de disparités en Afrique avec des écarts importants entre les nations. Alors que certains pays comme le Maroc et l’Égypte affichent des taux d’électrification de 100%, le Soudan du Sud présente un taux d’électrification de seulement 5%, entravé par une instabilité politique chronique et des conflits internes. D’autres nations riches en ressources pétrolières, comme le Tchad (12%) ou l’Angola (48%), montrent également des niveaux d’électrification décevants. A titre de comparaison, en Asie centrale et méridionale, le déficit d’accès à l’électricité est passé de 414 millions de personnes en 2010 à moins de 33 millions en 2022. Dans le même temps, 2,1 milliards de personnes dépendaient toujours en 2022 de systèmes de cuisson nocifs pour la santé à base de charbon, de fumier, de bois ou de déchets agricoles, soit presque autant que l’année précédente. Les émanations de ces équipements sont à l’origine de 3,2 millions de décès prématurés chaque année, selon l’étude.
A l’inverse, le rapport souligne la solide croissance des énergies renouvelables, éolien et solaire principalement. En 2022, leur capacité de production a atteint un nouveau record, avec 424 watts par habitant en moyenne et la consommation mondiale d’électricité renouvelable a augmenté de plus de 6% par rapport à 2021, atteignant 28,2% de la consommation électrique. Il faut dire que les aides financières en faveur des énergies décarbonées dans les pays en voie de développement ont bondi en 2022, à 15,4 milliards de dollars, en augmentation de 25% par rapport à 2021, mais encore loin des 28,5 milliards d’aides de 2016. Si l’Union européenne est l’une des régions les plus avancées dans le monde en matière de déploiement d’énergies propres, malgré ces efforts, le monde n’est toujours pas en mesure d’atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU en matière d’énergie d’ici à 2030, qui prévoient de tripler la capacité de production d’énergie renouvelable, estiment les auteurs du rapport. Cependant, l’agence note que l’énergie solaire, en particulier, représente une opportunité exceptionnelle pour le continent. Avec une irradiation solaire moyenne variant entre 4 et 7 kWh/m2/jour et des réserves estimées à près de 60 millions de térawattheures par an, l’Afrique possède l’un des plus grands potentiels solaires au monde.
Pour 2024, les investissements dans l’électricité solaire sont d’ailleurs en passe de dépasser ceux consacrés à toutes les autres sources de production électrique. D’après l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) « en 2024 le monde dépensera 2000 milliards de dollars pour s’équiper dans les énergies propres soit deux fois plus que le montant pour les énergies fossiles. Pour garantir un accès universel à des services énergétiques abordables, fiables et modernes en Afrique subsaharienne, des efforts concentrés et soutenus sont nécessaires. Il est essentiel d’améliorer la collecte de données et d’utiliser des outils analytiques modernes pour suivre les progrès et soutenir une prise de décision basée sur des données fiables.» L’AIE considère par ailleurs que l’investissement dans les énergies renouvelables en Afrique est particulièrement risqué. Contrairement aux centrales énergétiques traditionnelles, les projets d’énergies renouvelables sont souvent plus petits, localisés et desservant des consommateurs dont la capacité de paiement est limitée. « Il existe des solutions pour inverser cette tendance négative« , assure Guangzhe Chen, responsable au sein de la Banque mondiale, qui plaide notamment pour « l’accélération du déploiement des mini-réseaux solaires et des systèmes solaires domestiques. »