Il y a quelques mois M2i recevait le prix de la pépite industrielle de L’Usine Nouvelle et de La Gazette des communes, un 35ᵉ prix en 10 ans. L’entreprise, qui conçoit et fabrique à Lacq (Pyrénées-Atlantiques) des biopesticides, est aujourd’hui encore au cœur de l’actualité en proposant des colliers antiloups aux phéromones pour protéger les brebis, mais aussi une solution pulvérisable pour pucerons sur betterave.
Créée en 2012 par les frères Philippe et Olivier Guerret, associés à Bruno Geny, M2i est déjà le leader européen (voir mondial avec les Japonais) des phéromones de biocontrôle, ces solutions biologiques qui permettent de protéger les cultures, en alternative ou en complément des produits traditionnels. « Nous reproduisons en laboratoire des odeurs émises par des insectes, ce qui les repousse, les désoriente, réduit leur prolifération sans toxicité, ni résidus, ni impacts sur la biodiversité ». Ces substances permettent de capturer et désorienter les nuisibles, tout en n’ayant aucun effet négatif répertorié sur le reste de la faune et de la flore. Actuellement, il s’agit probablement de l’une des pistes les plus encourageantes pour ne plus utiliser de pesticides. Déjà en 2020 M2i avait calculé que l’utilisation de ses produits avait permis d’éviter l’épandage de 16.000 tonnes de pesticides dans le monde, soit l’équivalent de la consommation de l’Allemagne ou de la Turquie.
Depuis, la société béarnaise a développé différentes solutions qui permettent déjà de lutter efficacement contre nombre d’insectes invasifs comme la pyrale du buis, la chenille processionnaire ou le moustique tigre. L’entreprise a aussi collaboré à la création d’une agrafe dégageant des phéromones empêchant la reproduction des vers de grappe auxquels les viticulteurs sont régulièrement confrontés. Cette petite agrafe de cinq centimètres diffuse des phéromones sur la parcelle et va désorienter sexuellement les ravageurs mâles et empêcher toute reproduction, grâce à la technique de la confusion sexuelle. Concrètement, le papillon sera incapable de localiser la femelle et donc l’accouplement sera impossible.
Avec aujourd’hui de nombreux brevets, la PME française non seulement produit ces hormones de synthèse répliquant celles émises par les insectes, mais les encapsule aussi (sous forme de gel) dans des capsules microscopiques biosourcées et biodégradables, composées d’émulsion d’eau et de cire naturelle. Les phéromones sont ainsi diffusées plus longtemps et leur temps de conservation s’améliore aussi – jusqu’à 3 ans. L’entreprise a aussi conçu des billes contenant ces phéromones pouvant être tirées par des pistolets de paintball sur le tronc des arbres, à une hauteur de six à neuf mètres. Les produits présents dans le catalogue de M2i Life Sciences peuvent être adaptés à toutes les cultures – grands champs ouverts, vignes, maraîchages… et l’entreprise assure être la seule capable de maîtriser toute la chaîne, de la conception des molécules jusqu’à leur production. Elle emploie au total 200 personnes et a signé l’année dernière un accord avec le géant de l’agrochimie Bayer qui vient s’ajouter à une longue liste de collaborations.
Trophée Prix entreprise environnement du ministère de l’Ecologie en 2015, Prix Pierre-Potier de la chimie verte en 2017, suivi de l’Europe Business Award for Environment de la Commission européenne ou du Prix EY « Born Global, la PME, depuis sa création, a levé près de 100 millions d’euros, dont 60 millions à l’été 2019 auprès de cinq investisseurs. Aujourd’hui M2i exporte dans 70 pays dans un marché de deux milliards et demi de dollars, qui connait une croissance de 15 % par an environ. En 2025, un nouveau bâtiment sera inauguré à Lacq, et d’ici 2030 60 personnes y seront employées. Parmi les produits récemment proposés, une solution pulvérisable pour pucerons sur betterave capable d’attirer les prédateurs naturels des pucerons que sont les coccinelles ou les carabes, mais aussi, depuis fin 2023, un collier anti-loup à base de phéromones. » En attachant des colliers imprégnés de phéromones de loup aux animaux du troupeau, on fait croire aux prédateurs que la zone du troupeau est celle d’un de ses congénères. Naturellement, par atavisme, il va s’en détourner. » M2i, qui développe pareille technologie dans des pays africains (Botswana notamment) pour protéger les volailles des hyènes et autres lynx, assure être en mesure de diviser « par trois à cinq » les pertes dues aux prédations, en équipant une bête sur deux afin d’avoir un nuage homogène autour du troupeau.
Alors que l’Union européenne ambitionne de réduire l’usage des pesticides de 50% sur le continent d’ici 2030, l’industrie des solutions de biocontrôle espère qu’à cette date 30% du chiffre d’affaires du marché de la protection des cultures sera le fait du biocontrôle, contre 13% en 2021.