Pour Stéphane Chasseloup, avocat associé de KPMG, le sujet à surveiller pour les entreprises qui font e-commerce, c’est le nouveau régime fiscal baptisé IOSS (Import One Stop Shop) qui doit être mis en oeuvre en juillet prochain, les anglais ont copié eux aussi de leur côté. Si ce régime a de l’importance dans le sujet Brexit, c’est que la Grande Bretagne occupe une place forte e-commerce.
La dernière tendance de l’administration européenne à l’image de l’administration anglaise en matière e-commerce est que l’opérateur économique ne puisse plus choisir l’importateur, le vendeur tiers devient automatiquement l’importateur désigné.
« C’est inattendu et cela ne correspond pas à l’esprit du code douanier de l’Union » explique Stéphane Chasseloup « dit autrement, les plateformes e-commerce de type Amazon ou Alibaba se retrouvent dans une situation complexe d’être l’importateur désigné pour les opérations dans l’Union européenne au lieu d’être un entremetteur entre le vendeur réel et l’acheteur. C’est contraire à toutes les dispositions du code des douanes de l’Union qui permet d’user de la liberté pour un non-résident tiers de choisir son importateur ce qui veut dire dans la pratique de déclarer le particulier comme étant l’importateur et donc que ce dernier puisse s’acquitter de la TVA et des formalités comme c’est le cas aujourd’hui.»
Si cela fait couler beaucoup d’encre en ce moment, c’est que l’administration douanière cherche à réguler à la fois la fraude à la TVA qu’elle estime en dizaine de milliards d’euros et à mieux maitriser les sites internet notamment chinois qui, pour beaucoup, travaillent aujourd’hui en flux postal avec les vicissitudes que l’on connaît et la difficulté pour le flux postal de contrôler les colis à l’arrivée.
« Contrôler les colis avec un code douanier, une espèce tarifaire, une valeur et des obligations réglementaires est une vraie difficulté dans le e-commerce » reprend Stéphane Chasseloup. « Cela nécessite d’avoir un numéro de TVA, un numéro EORI, on a un vrai sujet car on doit faire correspondre la mise en oeuvre d’un régime TVA avec la partie douanière, ce qui bien entendu complexifie la chose. »
La difficulté c’est que les plateformes doivent savoir qui est l’importateur puisque quand on est en-dessous du seuil des 150€, la plateforme ne paye pas de TVA à l’importation, sauf si elle est réputée pour acheter à un vendeur et revendre dans le sens fiscal du terme. Mais beaucoup de plateformes ne gèrent pas forcement le flux logistique et ne sont que des intermédiaires vis-à-vis du vendeur … en prenant une commission.
« Les échéances c’est juillet prochain, la réforme TVA qui doit être appliquée au 1/7/2021 a été repoussée une première fois à la demande des allemands et des néerlandais et les lignes directrices devaient être publiées au 1er janvier, je ne suis pas certain que cela va être le cas » explique Stéphane Chasseloup. « Si avoir accès au flux est possible théoriquement cela demanderait une organisation tout autre qu’il est probablement impossible de mettre en place dans un temps si court. De deux choses l’une, soit une position médiane est trouvée par la commission européenne, soit on est au-devant d’une avalanche de recours juridique. »
« Ce qu’il va falloir trouver c’est comment identifier dans ce nouveau système IOSS ceux qui doivent payer la TVA et ceux qui sont en dessous du seuil car la position de l’administration n’est pas dénuée de bon sens. »
« La lutte pour la Fraude à la TVA est un objectif louable mais ne doit pas viser les opérateurs fiables qui eux ne fraudent pas mais ceux qui sont sur le marché gris en utilisant des échanges de colis entre particuliers.
Le seul moyen qui avait été proposé mais qui a été stoppé par les banques était d’avoir une consignation de la TVA à partir du moment où l’on achetait sur un site en ligne. Dès que l’on payait avec une carte à distance que l’on puisse être sûr qu’il y ait une retenue pour la TVA afin d’être certain qu’elle soit payée. »
L’autre solution serait qu’il y ait beaucoup plus de douaniers et de moyens pour être capable de contrôler les flux postaux car e-commerce est véritablement un des nouveaux enjeux du contrôle des frontières qui est une mission de base de la Douane.»
Ce sujet dans tous les cas démontre que l’on ne peut pas dissocier le fiscal de la douane. Cela montre aussi qu’il y a une grande tendance à ce que la Douane maîtrise le flux physique et soit dissocié de la partie fiscale gérée par l’administration Ad’hoc.