Alors que l’Europe supprime progressivement l’énergie russe de ses achats, les pays africains sentent une opportunité…
L’Afrique possède en effet plus de 7% des réserves prouvées de pétrole (source: BP) et 7,5% des réserves prouvées de gaz naturel. Le continent est aussi très riche en charbon. Sachant que l’UE achète 45% de son gaz importé de Russie (source: Agence internationale de l’énergie) cela représente, depuis le début de la guerre, une opportunité majeure pour l’Afrique. L’approvisionnement africain pourrait bien remplacer une partie des 155 milliards de mètres cubes que l’Europe a importés de Russie l’année dernière.
Avant même l’invasion russe, l’Union européenne montrait des signes de changement significatifs dans son approche des ressources énergétiques africaines. Le haut représentant de l’UE aux affaires étrangères, J. Borrell, a notamment révélé que l’Union était en négociation avec des pays exportateurs de gaz, dont l’Algérie, afin d’augmenter ses approvisionnements. De la même manière, la vice-présidente de la commission européenne, M. Vestager, et le vice-président nigérian, Y. Osinbajo, se sont mis d’accord pour “explorer toutes les options afin d’augmenter l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié du Nigeria vers l’Europe”.
Exploiter le potentiel pétrolier et gazier africain est aujourd’hui impératif, mais tout indique que cela prendra du temps. Pour augmenter soudainement leur production, les producteurs d’hydrocarbures du continent doivent relever des défis majeurs en matière d’infrastructures, de financements et de technologie. Plusieurs pays d’Afrique pourraient offrir une alternative bienvenue en terme d’approvisionnement, mais si le continent dispose de nombreuses réserves en ressources, le manque d’infrastructures éloigne la perspective d’une mise en place rapide.
Les pays déjà identifiés comme disposant d’importantes ressources de GNL, comme le Nigeria, l’Angola, La Libye, et l’Algérie, souffrent de contraintes liées au manque de développement de leurs réseaux de pipelines, de raffineries, de terminaux et de ports.
Il y a aussi des nations émergentes qui découvrent du gaz sur leurs territoires. Le Sénégal, la Mauritanie et le Mozambique se préparent à un destin de grands exportateurs. Des grands travaux d’exploration de l’offshore mozambicain ont notamment accouché d’une dizaine de découvertes géantes de gaz naturel qui, selon le FMI, pourraient entraîner une croissance économique moyenne au Mozambique de 24% par an, gérant ainsi la neuvième plus importante réserve de gaz naturel du monde. La grande question est là aussi de savoir comment financer et acheminer de ce gaz vers l’Europe.
Les pays européens ont déjà fait savoir qu’ils préféraient soutenir les infrastructures énergétiques existantes au lieu de construire de nouveaux pipelines coûteux. Les pays qui pourraient en bénéficier seraient le Nigeria, l’Angola, le Sénégal, la Mauritanie et le Mozambique.
Une fois les infrastructures mises en place il faudra les sécuriser, et là encore, du temps et des moyens seront nécessaires. Les investissements étrangers sont souvent rendu problématiques par un ensemble de risques (instabilité politique, insécurité au niveau local, etc…). Dernier exemple en date : la Libye. La compagnie nationale de pétrole du pays a récemment annoncé l’arrêt de la production pétrolière de deux gisements majeurs pris en otage par un groupe armé. Une nouvelle qui tombe au plus mal pour les recettes d’un pays qui dispose des réserves les plus abondantes d’Afrique, d’autant plus au moment où le prix du baril flambe.
Enfin dernier frein identifié : L’Afrique doit concilier transition énergétique et développement durable de ses énergies fossiles. Depuis la COP26, les Africains ne cessent de défendre l’idée de poursuivre l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz dont le continent dispose en abondance. Soumis à la pression des institutions financières, ils demandent du temps. Suspendre brusquement tous les projets liés aux énergies fossiles pour se focaliser uniquement sur les énergies renouvelables (qui demandent plus d’installations, donc plus de financement) est très difficile. Aujourd’hui les pays africains doivent donc rapidement résoudre une équation économique / écologique difficile : d’un coté renforcer leurs capacités de réponse à la demande internationale en énergie fossile, de l’autre continuer à développer de nouvelles ressources énergétiques renouvelables. Le rôle de l’Europe sera, là aussi, prépondérant.