Après avoir atteint un niveau record en 2022, les échanges de biens et de services devraient au mieux stagner cette année, sur fond d’inflation, de tensions géopolitiques et de recul de la croissance mondiale.
Oubliée, la très forte reprise post-covid de 2021 et de début 2022… le ciel de 2023 n’apparaît guère clément pour la dynamique du commerce mondial, selon différentes projections.
Très pessimiste, l’institut britannique Oxford Economics prévoit ainsi un recul de 0,2 % des échanges de marchandises pour cette année, mettant en avant notamment la déprime actuelle, selon lui, des exportations de plusieurs pays asiatiques (Taiwan, Hong Kong, Thaïlande, Corée du sud). Oxford Economics dans sa note, parue début décembre dernier, va jusqu’à comparer la période actuelle aux récessions de 1981, 1992 et 2001!
La Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), quant à elle, anticipe au mieux une croissance du commerce de 1 % dans ses estimations publiées fin novembre 2022 (contre 3% attendus précédemment). Une prévision en ligne avec celle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui, dans son dernier point chiffré de conjoncture d’octobre dernier, tablait sur 1% de croissance pour les échanges de biens (contre 3,4% dans l’estimation antérieure).
Pourtant, sur l’ensemble de 2022, les échanges mondiaux devraient avoir atteint – à environ 32 000 milliards de dollars- un niveau historique, selon les premières estimations de la Cnuced. En dépit d’une période des plus troublée au plan international, les exportations mondiales de biens auront progressé sur l’ensemble de l’année de 10% (avec un fort effet prix) pour atteindre 25 000 milliards de dollars et celles de services de 15 % à 7 000 milliards de dollars, selon l’organisme des Nation Unies.
Après le fort rattrapage initié en 2021, au fil des trimestres et des crises de tous ordres, la croissance du commerce mondial s’est toutefois étiolée pour approcher désormais la limite du zéro. De nombreux facteurs expliquent le renversement de tendance. Parmi ceux-ci figurent la persistance du conflit en Ukraine, l’affrontement technologique croissant Chine-Etats-Unis, les tensions entre Pékin et Taipei, le yo-yo des prix de l’énergie, ou encore le stop-and-go de la Chine sur sa stratégie Covid.
Concernant 2023, la première raison du ralentissement du commerce devrait toutefois être d’ordre macro-économique : la faible vigueur de l’économie mondiale pèsera mécaniquement sur les échanges. En ce sens, le FMI table sur seulement 2,7 % de croissance du PIB global cette année (contre 3,2% en 2022) et n’exclut plus un chiffre inférieur à 2 %. Dans une de ses premières adresses de la nouvelle année, Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, vient même d’estimer qu’un tiers de l’économie mondiale sera en récession en 2023.
Dans ce contexte, les fortes hausses des taux directeurs (3,5 points de pourcentage pour la Fed américaine en 2022 ) engagées pour lutter contre l’inflation pèseront aussi fortement sur la croissance et le commerce, tant au niveau des opérateurs privés que des Etats, surtout les plus fragiles et endettés. En ce sens, le Ghana constitue un exemple parlant : en situation de défaut quasi total sur sa dette publique depuis décembre, ce pays d’Afrique de l’ouest vient de restreindre fortement ses importations pour sauvegarder ses devises.
Sur ce fond de ciel gris, certains facteurs devraient à l’inverse jouer favorablement sur le commerce. Parmi ceux-ci, figure le reflux actuel des prix de l’énergie, pétrole et gaz naturel (en Europe notamment). De même, les taux de fret après leurs niveaux stratosphériques de début 2022, subissent de fortes corrections : des indices comme le SCFI (Shanghai Containerized Freight Index) ou le Drewry World Container Index ont ainsi plongé de 70 à 90% sur un an. Le groupe Maersk estime que la demande mondiale de conteneurs devrait chuter de 2 à 4% cette année, sur fond de guerre des prix dans le transport maritime. Une petite consolation du faible niveau d’activité pour les chargeurs.