Sans exclure son coût humain, la crise mondiale née avec le Covid-19 met en lumière la fragilité des chaînes d’approvisionnement internationales. Appelées sans doute à revoir leurs schémas logistiques, les entreprises n’avaient semble-t-il pas intégré dans leur plan de continuité d’activité le risque épidémique jusqu’à ce jour.
De santé publique, les effets du coronavirus Covid-19 se sont répandus à l’économie en impactant la consommation, les chaînes de production et d’approvisionnement internationales. Au plan industriel, plusieurs de ses conséquences sont liées à la mondialisation des échanges et à la division des maillons productifs marqués, ces dernières décennies, par une localisation accélérée en Asie, en Chine en particulier.
Depuis la fin des années 90, la Chine s’est hissée au second rang des économies mondiales derrière les Etats-Unis. Selon la Coface, le pays représente un sixième de la production de richesse mondiale soit deux fois plus qu’il y a 10 ans. Cette montée en puissance s’est traduite par une dépendance accrue des chaînes d’approvisionnement internationales aux usines chinoises.
Fondés sur les marchandises à déplacer ou à traiter, tous les maillons des chaînes logistiques sont affectés par les effets de l’épidémie Covid-19 et ce quelle que soit leur couverture géographique. Consolidant les transports aériens, maritimes et terrestres mais aussi les activités dans les ports, aéroports et les entrepôts, c’est en milliards d’euros que se chiffreront les conséquences financières du virus dans la filière logistique.
Un risque mal apprécié
Étonnamment, le risque épidémique n’était pas considéré ou très largement sous-estimé jusqu’à ce jour comme facteur susceptible de déstabiliser les chaînes d’approvisionnement internationales. En témoignent deux baromètres des risques et menaces pesant sur les entreprises ayant une logistique internationale parus en janvier sur la base d’observations et de sondages menés en 2019.
Annuel, le premier de l’assureur Allianz place le risque « cyber » en première position détrônant les interruptions d’activité dues à un maillon ou fournisseur de la chaîne. Suivent les évolutions législatives et réglementaires puis le changement climatique (fréquence des tempêtes, inondations, « grands feux »…).
Par le cabinet de conseil KYU et le Master spécialisé dans le management des risques de l’Ecole des Arts et Métiers ParisTech, le second baromètre constate l’insuffisante maîtrise et connaissance des entreprises de leur chaîne d’approvisionnement internationale. Ses résultats relèvent que 65 % ne possèdent pas une cartographie précise de chacun de ses maillons et plus de la moitié (55 %) ne connaissent pas la localisation des sites de leurs fournisseurs. Selon ce baromètre, les risques « supply chain » sont appelés à croître sous l’effet de plusieurs facteurs : la mondialisation des échanges, la localisation des clients et fournisseurs, l’externalisation des activités, l’essor des modèles collaboratifs, la recherche constante de compétitivité et le développement des nouvelles technologies (risque cyber).
Vers de nouvelles approches ?
Face à ces menaces, ce second baromètre préconise la mise en œuvre de stratégies limitant les effets « domino » au moyen d’approches par filières ou régionales. Autrement dit en essayant, autant que possible, de « sanctuariser » chaque maillon. Cette approche s’oppose aux tendances actuelles puisque la plupart des organisations logistiques ont pour principal objectif la réduction des coûts. Elle s’est concrétisée par une diminution du nombre de fournisseurs et des stocks avec pour conséquence de tendre et de fragiliser les chaînes d’approvisionnement. Pour de nombreux experts, la crise née du Covid-19 devrait refondre les schémas logistiques au travers d’une plus grande diversité de sourcing et d’une relocalisation de certaines productions dans ou à proximité des bassins de consommation.
Erick Demangeon
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