« La technologie est le meilleur égaliseur qui soit ! » assure Arielle.
Parfois surnommée la reine du code, Arielle Kitio Tsamo est reconnue au Cameroun comme une actrice majeure de l’écosystème digital. Cette entrepreneure et informaticienne se consacre depuis près de dix ans à la formation au code des jeunes et milite pour encourager les filles africaines à embrasser les sciences et la technologie.
Après avoir obtenu son bac C avec mention à 15 ans, des études à Yaoundé puis à Toulouse, dotée d’un master en informatique option Cloud Computing, la jeune fille débute sa vie professionnelle comme développeuse logiciel dans des entreprises de services numériques à Yaoundé.
Arielle crée en 2015 l’association WIT (Information Technology for Women and Youth) dont le but est de mettre en lumière des femmes qui se démarquent dans les domaines des sciences et de la technologie et encourager les jeunes filles camerounaises à n’avoir aucune crainte pour les filières scientifiques et technologiques. Pour elle » il est indispensable d’apprendre très tôt aux jeunes, et en particulier aux filles, le code informatique pour développer leur créativité et leur autonomie.«
Parallèlement, elle devient mentor et coach principal lors de compétitions internationales organisées au Cameroun, afin d’encourager les filles dans les domaines des STEM ( Science, Technology, Engineering and Mathematic ) et concède avoir dû accompagner entre 2015 et 2016 près de 70% des coachs.
Elle décroche en 2015 le prix d’innovation PMEXchange puis, l’année d’après, le prestigieux « Award TechWoman » décerné par le département américain ainsi que le prix « Queens Young Leader Runner up ».
Arielle est depuis 2016 Doctorante en informatique option génie logiciel à l’Université de Yaoundé. Son sujet de thèse porte sur « La généralisation des plateformes de surveillance épidémiologique à l’aide de l’Ingénierie Dirigée par les Modèles ». Dans le cadre de sa thèse, elle travaille sur la création d’une plateforme de surveillance de la tuberculose et est parallèlement assistante chargée de cours à l’Université de Yaoundé.
En 2017 Arielle Kitio fonde le « Cameroon Youth School Tech Incubator » (CAYSTI) dont le but est d’initier les enfants de 6 à 15 ans à la technologie et à la promotion de l’entrepreneuriat numérique. L’initiative lui vaut le prix de l’entrepreneuriat social Orange 2017. La start-up / centre de formation conçoit des programmes éducatifs, clés en main, dans le développement de la créativité, l’initiation à l’innovation technologique ou scientifique, le codage, la robotique, la 3D, l’intelligence artificielle ou les énergies renouvelables pour les écoles et les gouvernements. Elle propose parallèlement des services d’audit et de soutien aux systèmes éducatifs nationaux afin que ceux-ci préparent mieux la prochaine génération à l’ère de la révolution numérique. Avec ses partenaires Orange, IBM, et le ministère des Postes et Télécommunications, CAYSTI lance des formations personnalisées et développe des hackathons à l’échelle mondiale afin d’élargir et de consolider une communauté mondiale d’esprits créatifs.
En concevant et vulgarisant des outils numériques intelligents, collaboratifs et intuitifs CAYSTI souhaite faciliter l’accès égalitaire à une éducation de qualité, à un contenu éducatif créatif. La start-up a ainsi crée en 2018 « abcCode » (acronyme de « Art de Booster la Créativité »), programme pédagogique qui s’appuie sur un logiciel ludique et intuitif qui initie les enfants à la programmation informatique. Sa particularité : leur apprendre à créer des applications numériques dans leur langue native, le français, le haoussa ou le wolof.
En l’espace de quelques années, la contribution d’Arielle dans le domaine du numérique éducatif a valu à cette jeune informaticienne de nombreuses reconnaissances internationales : ambassadrice du Next Einstein Forum en 2017, elle reçoit le prix Afrique innovante de la Fondation Norbert Ségard en 2018. La même année le magazine Forbes Afrique l’intègre dans son classement des trente jeunes de moins de 30 ans les plus influents en Afrique francophone (30 Under 30). Un an plus tard, elle obtient le prestigieux « Prix Margaret Afrique » lors de la Journée de la femme digitale, et l’UNESCO lui décerne le « Prix de l’innovation dans l’éducation ».
En 2019, Arielle Kitio initie le concours « Coder en langues nationales », qui est un projet international soutenu par l’Organisation internationale de la francophonie, la Mastercard Foundation et l’UNESCO.
L’année dernière, ambitieuse, la jeune femme décide de lancer un programme orienté vers les femmes et les jeunes. « Nous sommes partis du fait que moins de 18% des professionnels des TIC du Cameroun sont des femmes. Alors que c’est un secteur qui a plus d’opportunités en matière d’emplois, de télétravail en terme même d’épanouissement de soi ». Techwoman Factory est un programme de formation professionnelle qui vise à faciliter l’accès à l’emploi décent dans le secteur du numérique. Lors de sa première édition, 179 boursières ont pu bénéficier de cette initiative financée par des fonds canadiens et qui permet d’acquérir des compétences dans trois domaines : art numérique, développement web ou data science. « Nous comptons former 2000 femmes d’ici 2026 à travers le Cameroun, avec un taux d’insertion professionnelle de 75% », a-t-elle déclaré. Il faut dire que la marge de manœuvre est encore importante. L’Unesco indique que les femmes ne représentent que 30 % des professionnels tech en Afrique et, selon le dernier rapport de Partech, les entrepreneures ne captent que 7 % des financements (contre 93 % pour les hommes).
Aujourd’hui encore très active au Cameroun, où seulement un quart des habitants sont connectés à Internet, elle se bat à la fois pour l’égalité d’accès à Internet mais aussi pour que les jeunes africains s’intéressent un peu plus à la production de contenus web au lieu de se limiter à leur simple consommation.