L’élection de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal a surpris tout le monde par son ampleur. Le nouveau Président, qui a tout juste 44 ans, a été élu sur un programme de rupture et frôle les 60% des voix.
Le message porté par le peuple Sénégalais est très fort. La rupture qu’il appelle de ses vœux est « en premier lieu dirigé vers nous-mêmes et nos pratiques de gouvernance » a-t-il déclaré à nos confrères mardi 26 mars. Il a affirmé dans le même temps qu’il n’y avait aucune focalisation sur la France, ce qui marque bien l’évolution du discours que portait Ousmane Sonko, le leader du parti PASTEF dont est issu le nouveau président.
Cette élection est un véritable pied de nez aux juntes militaires du Sahel, car cette transition démocratique est exemplaire dans la zone. Preuve qu’il est possible que le peuple porte une transition démocratique pacifique et que les militaires qui tardent à redonner le pouvoir n’ont pas la solution. D’ailleurs aucun message de félicitation au nouveau Président n’est encore venu du Mali, du Niger ou du Burkina Faso.
Du côté Français le Président Macron s’est empressé de féliciter Diomaye Faye car comme beaucoup il voit, dans l’élection de ce nouveau Président, l’occasion de construire une nouvelle relation et de prendre un nouveau départ.
Cette élection au premier tour a été portée par une mobilisation sans précédent particulièrement dans les grandes villes Dakar, Thies, Touba… Sur cette dernière ville, fief des Mourides (la religion musulmane modérée majoritaire au Sénégal) on ne peut pas penser qu’un score aussi important ait pu être obtenu sans une bienveillance de leur part.
A quoi s’attendre du point de vue économique ?
Le programme du Président Sénégalais est assez dogmatique et peu précis sur les sujets économiques. Il est cependant empreint de discours sur la souveraineté et sur la préférence nationale. La première chose qu’il affiche est la renégociation des contrats pétroliers et gaziers qui doivent rentrer en production cette année au Sénégal. Revoir les contrats de BP, de Woodside et de Kosmos ne va pas être une mince affaire car les investissements portés par ces compagnies ont déjà été faits. Améliorer ces contrats qui prévoient une rémunération pour l’état d’environ 1 milliard d’euros par an sur 30 ans, n’a pas de cadre juridique possible et va plus tenir de la négociation et souhait de chacun de garder de bonnes relations. Car l’intérêt général est que ces gisements fonctionnent. Les entreprises étrangères ou non sont prévenues : la recherche d’un équilibre favorable au Sénégalais et à l’état du Sénégal est la priorité.
La deuxième conséquence pourrait être l’accélération de la sortie du Franc CFA qui semblait s’embourber selon la volonté de la Côte d’Ivoire et aujourd’hui prévue pour 2027. Cette sortie est en réalité prête et les conditions sont aujourd’hui favorables avec la volonté de sortie de l’UMEOA des juntes militaires du Sahel.
L’ensemble du cadre définissant la nouvelle monnaie l’ECO a déjà été travaillé et il ne manque plus que de créer un cadre et des organismes tutélaires. Cela ne devrait pas changer grand-chose à court terme, juste une action symbolique, sauf si le Sénégal souhaite battre lui-même sa monnaie, indépendamment de l’UEMOA.
La conclusion la plus évidente aujourd’hui est que le Sénégal vient de tourner la page du colonialisme pour prendre son destin en main. On a très peu de visibilité sur l’équipe de Pastef qui pourra assumer des responsabilités, et si le nouveau Président va pouvoir prendre de la hauteur et ne pas tomber dans les heures noires d’une purge par vengeance. Quand un pays arrive pacifiquement à une transition démocratique de ce type on peut lui accorder tout le crédit possible pour qu’il soit sage et bienveillant.