Dans un contexte de transition, la coopération économique est relancée. De même que les échanges commerciaux. Normalisation, réalisme ou un peu des deux… Dix mois après le coup d’État du 30 août 2023 au Gabon et la mise en place d’un pouvoir de transition le 4 septembre 2023 sous la houlette de Brice Clotaire Oligui Nguema, peu à peu la vie des affaires prend ses droits entre Paris et Libreville.
Le coup d’État qui a déposé l’ancien président Omar Bongo n’a eu aucun effet sur la conduite des activités des groupes français qui opèrent de longue date dans ce pays d’Afrique centrale, à l’image d’Eramet et de sa filiale Comilog, un des leaders mondiaux du manganèse, ou encore de TotalEnergies qui a produit 15 800 barils de pétrole par jour l’an dernier via sa filiale Total Gabon, un niveau inchangé comparé à 2022.
L’heure est donc à la reprise des liens traditionnels entre les deux pays. Il y a quelques semaines, à l’occasion de sa première visite en France comme président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema a rencontré Emmanuel Macron. Côté politique, les deux dirigeants ont très diplomatiquement évoqué les « avancées de la transition gabonaise et les prochaines étapes en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, dans la suite du dialogue national », selon le communiqué de l’Élysée, mais ce voyage était aussi placé sous le signe de la coopération économique, le Gabon restant notre premier partenaire commercial en Afrique centrale.
A ce titre, le 29 mai dernier, Brice Clotaire Oligui Nguema a participé à un important Forum économique France-Gabon à Bercy et a présidé à la signature de plusieurs mémorandums de coopération bilatérale avec Paris ou des entreprises françaises. Ce forum, qui a drainé une large participation, était organisé par Medef International et l’Agence nationale de promotion des investissements (ANPI) du Gabon, avec l’appui du service économique français de Libreville. En présence du président de la Transition, du ministre délégué Franck Riester et de nombreux ministres gabonais, il a rassemblé près de 600 grands groupes et PME françaises et gabonaises. Différents secteurs de l’économie gabonaise ont été évoqués lors des tables rondes : énergies, infrastructures, villes intelligentes, sans oublier les ressources extractives ; le pétrole et les mines constituent en effet les deux piliers de l’économie du pays. A cette occasion, deux déclarations d’intention ont été signées par le ministre délégué Franck Riester et le ministre gabonais de l’Économie et des Participations Mays Mouissi. L’une porte sur le financement des travaux de réhabilitation de la décharge de Mindoubé. Bercy rappelle à ce titre : « la France s’était engagée en mars 2023 lors du One Forest Summit à étudier l’octroi d’un prêt direct du Trésor pour la mise aux normes internationales de la décharge située en banlieue de Libreville, après avoir financé les études. Les deux parties s’engagent à poursuivre leur action commune et à concrétiser ce projet qui permettra d’arrêter la pollution et de sécuriser le site ».
La deuxième déclaration d’intention, impliquant l’AFD, a trait au soutien français à la poursuite du Plan de remise à niveau (PRN2) de la ligne de chemin de fer du Transgabonais. Cette infrastructure clé, anciennement détenue à 91% par Comilog, est, pour rappel, depuis 2021 contrôlée à 40 % par le fonds français d’infrastructures Meridiam, conduit par Thierry Deau, qui a lancé un vaste programme de modernisation. A ce titre, le Forum a été l’occasion de la signature d’un protocole d’entente entre l’État gabonais et la Setrag relatif à ce programme de rénovation et de développement du réseau ferroviaire transgabonais pour la période 2024-2040. Lors de la rencontre d’affaires de Bercy, a également été signé un protocole d’accord entre Suez et PAM Saint Gobain et la SEEG (Société d’Energie et d’Eau du Gabon) portant sur l’amélioration de la gestion de l’eau. A ceci s’ajoute un autre protocole d’accord entre le groupe français NGE Contracting, la société gabonaise MIKA et l’Etat gabonais portant sur la construction du contournement routier de Libreville dit « Owendo Bypass » reliant la ZES de Nkok au port d’Owendo. Toujours dans le domaine routier, le groupe Colas (Bouygues) et l’État gabonais ont signé un protocole d’accord relatif aux travaux de réhabilitation des voiries de Franceville phase III et de l’axe routier Bifoun-Lambaréné, pour 76 milliards de FCFA. (115,7 millions d’euros). Enfin, une convention de financement de 19 milliards FCFA (29 millions d’euros) a été signée entre BGFIbank Gabon et AGL (Africa global logistics – MSC, ex Bollore Africa logistics). Ce prêt vise à optimiser les performances du port d’Owendo, dont AGL est opérateur du terminal à conteneurs.
La signature de ces accords s’inscrit dans un contexte de reprise sensible du commerce bilatéral. Affectés par la Covid, les échanges commerciaux entre les deux pays, traditionnellement excédentaire pour la France, sont repartis de l’avant depuis deux ans. Les exportations françaises ont progressé de 10 % en 2023 à 588,2 millions d’euros, dépassant de 7% leur niveau de l’année pré- COVID 2019. Nos importations sont restées stables à 311,9 millions d’euros. Les premiers postes d’exportations de l’Hexagone vers le Gabon sont les produits des industries agroalimentaires (18,7%), les machines industrielles et agricoles (15,5 %), suivis des matériels de transport (12 %) et des produits pharmaceutiques (9 %). Les importations françaises, quant à elles, sont constituées à 73,3% d’hydrocarbures et autres produits des industries extractives, ainsi que du bois (25,7%). En 2023, l’ensemble de ces opérations s’est traduit par un solde commercial positif pour la France de 276,3 millions d’euros, en hausse de 22 %.
Le Gabon est le 66e client de la France, son 84e fournisseur et son 31e excédent. Au sein de la région Afrique-Océan Indien, le Gabon est le 5e client de la France, son 9e fournisseur et son 7e excédent. Il pèse 5,36 % de nos exportations dans la région et 0,099% de nos exportations dans le monde.
Au plan macroéconomique, après les 2,3 % de croissance de 2023, le PIB du Gabon, selon les prévisions de la Banque africaine de développement publiées fin mai, devrait connaître une hausse légèrement plus forte cette année à 2,8 % puis 2,9 % en 2025, dans un contexte d’inflation modérée (+2,3 % en 2024). Le PIB nominal par habitant du Gabon chiffré à 9 308 dollars per capita est, pour rappel, le plus élevé de la zone Cemac, mais en dépit de ses recettes à l’export, le pays souffre d’une dette publique élevée chiffrée à 73 % du PIB.
Outre le secteur du pétrole et du manganèse, l’économie gabonaise devrait être marquée ces prochaines années par le développement de l’important projet de minerai de fer de Belinga dans le nord-est du pays. Celui-ci est exploité par le groupe australien Fortescue qui a débuté la phase préliminaire de production. Il doit être accompagné, à terme, par la création d’un corridor ferroviaire (Belinga-Mayumba) encore au stade des études de faisabilité.