Files d’attente devant les ports faisant patienter jusqu’à plusieurs semaines les transporteurs, prix des conteneurs en hausse constante, usines en manque de matières premières et délais de livraison interminables…. Depuis l’année dernière et début 2022, le transport maritime à connu de vives tensions sur les volumes et sur les contrats. Le transport maritime est un marché qui a toujours connu des fluctuations mais c’est la première fois qu’il atteint de tels pics.
Ces derniers mois, la situation s’est normalisée, comme l’explique Stephane Defives, Directeur de la logistique maritime pour la France chez « Kuehne+Nagel » (l’un des leaders mondiaux dans le domaine du transport). « Effectivement, même si les niveaux tarifaires sont toujours supérieurs à la période avant Covid de 2019… un niveau auquel il n’est pas forcément souhaitable de revenir, car certes la normalisation c’est bien, mais il ne faut pas non plus tomber à des taux trop bas, qui seraient en dessous des coûts d’exploitations d’un navire. » Aujourd’hui c’est l’inverse, la demande est beaucoup plus faible que l’offre de transport donc les taux chutent et cela à cause de plusieurs facteurs « l’inflation galopante sur quasiment l’ensemble des continents, la crise énergétique liée aux conflits Ukraine-Russie, tout ça fait qu’aujourd’hui il y a un impact très fort sur la consommation des ménages. Ils se concentrent sur les produits de première nécessité et donc plus autant qu’ils l’ont fait en 2020 et 2021 sur le e-commerce et les produits de confort ». De plus, en fin d’année 2021, de nombreux secteurs économiques ont constitué des stocks importants, « leur but était de faire face à une supply chain perturbée et pour avoir une marchandise disponible dans les magasins à tout moment ». Pour toutes ces raisons, les magasins en Europe se retrouvent avec des entrepôts pleins, une consommation en berne, une confiance des ménages fortement impactée par la situation, « tout un ensemble pour avoir une forte baisse des taux de frets « .
Pour Stephane Defives le problème n’est pas complètement résolu. « Actuellement, un flux moins important va certes régler les problèmes de congestion, mais attention les infrastructures portuaires ne sont pas forcément adaptées en cas de reprise. Augmenter les postes à quai, faire des nouveaux terminaux, investir dans des grues…. tout ça prend du temps et coûte de l’argent. En parallèle les navires sont de plus en plus grands, et si les infrastructures ne suivent pas, ça ne peut pas fonctionner ».
Par ailleurs la question se pose : suite à ces tensions, la relation entre transporteurs et chargeurs va-t-elle changer ? « Actuellement, on ne peut pas parler de dégradation des relations commerciales. Dans les premiers mois du phénomène de hausse (entre septembre et novembre 2020), les acteurs du transport maritime ont passé beaucoup de temps à expliquer l’amplitude du phénomène car cela était complètement nouveau. C’était la première fois que ces acteurs ont vu les taux de fret se multiplier par 3 au minimum et 6 au maximum. Ce phénomène était tellement nouveau et violent que pendant 3 mois, il a fallut convaincre les clients qu’il n’y avait plus de place pour la négociation et pourquoi les taux de fret étaient en train de s’envoler ».
Stephane Defive reste confiant sur l’avenir du transport maritime. « Nous ne sommes pas inquiets pour ces phénomènes cycliques, on en à déjà connu et on y a déjà fait face. Pour réussir, la recette est assez simple, c’est principalement la qualité de services, il faut continuer à accompagner nos clients, dans le but de les fidéliser. Cela passe aussi par l’acquisition de nouveau clients pour pouvoir compenser les volumes manquants ». « Le gros enjeu concerne la question environnementale. Beaucoup d’armateurs ont investi dans de nouveaux moteurs moins énergivore. Le sujet environnemental est sur toutes les tables et c’est à chacun d’être créatif pour voir quelles sont les solutions à utiliser pour réduire l’impact et les émissions de CO2″.