Le transport aérien n’a plus de problème de demande. Le trafic mondial devrait approcher les cinq milliards de passagers cette année, mais il est désormais confronté à un sérieux problème d’offre. Les passagers sont là, mais les compagnies manquent d’avions et de carburant « vert » pour les embarquer. C’est le constat dressé il y a quelques semaines par l’Association internationale du transport aérien (Iata).
En 2023, tiré par une forte reprise des voyages, le transport aérien a retrouvé 94,1% de son trafic mondial de 2019. Toutes compagnies confondues, les profits nets cumulés devraient approcher, en 2024, les 30 milliards d’euros contre 25 milliards en 2023. Le chiffre d’affaires, volume global d’activité avant impôts, est en hausse de 10% sur un an et frôle pour la première fois la barre des 1 000 milliards de dollars (916 milliards d’euros). Toutes les compagnies ne sont cependant à la même enseigne. Emirates a raflé 5,1 milliards de dollars de bénéfice en 2023-2024. A l »inverse, Air France-KLM, qui avait encaissé 934 millions d’euros l’année dernière, a perdu 522 millions au premier trimestre 2024, tout comme Lufthansa qui s’est enfoncé dans le rouge pendant la même période (-734 millions d’euros) ou TAP Air Portugal qui a aussi alourdi ses pertes à 71,9 millions d’euros au premier trimestre.
Les compagnies aériennes internationales affichent donc un trafic record, mais elles manquent d’avions neufs, de pièces détachées pour la maintenance, de main-d’œuvre qualifiée, ou de créneaux dans les principaux aéroports, notamment en Europe. Leur activité est bridée par des chaînes de production qui ont du mal à suivre et des retards de livraison. Les carnets de commandes d’Airbus et Boeing sont pratiquement pleins jusqu’à 2030, mais les deux constructeurs ne peuvent pas fournir à la hauteur de la demande. Outre le fait qu’elles aient besoin d’appareils pour répondre à une demande insatiable, les compagnies aériennes doivent en amont régler tous les problèmes logistiques, surmonter la pénurie de pièces détachées pour la maintenance des appareils, développer le carburant durable, qui manque à l’appel, mais qui est désormais incontournable pour participer à la décarbonation des vols. Parallèlement de nombreux autres coûts augmentent de façon importante pour l’aérien, en particulier en Europe, comme les couts salariaux. D’autres coûts liés au réchauffement climatique sont apparus. La hausse des températures mondiales provoque déjà une multiplication des épisodes météo extrêmes (fortes précipitations, tempêtes, vagues de forte chaleur…) entraînant inondations des aéroports ou perturbations des vols. De quoi affecter la rentabilité des compagnies, qui subissent des retards ou parfois des dégâts matériels. Les perturbations des opérations de vol liées à la météo sont en train d’augmenter en Europe avait déjà noté l’Iata fin mars. En 2023, 30 % des retards de vols en Europe étaient dus au mauvais temps, contre 11 % en 2012, selon l’organisation. « Les turbulences constituent un sujet de sécurité, mais elles coûtent aussi des millions de dollars aux compagnies en occasionnant des dégâts aux avions. »
Heureusement pour ces compagnies aériennes, même si les couts augmentent, leurs clients consentent à acquitter des prix toujours élevés pour voyager. Depuis 2009, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) réalise une enquête nationale pour connaître la typologie des passagers aériens selon le vol emprunté ou le voyage réalisé. Selon cette étude menée auprès de 46 000 passagers aériens dans les salles d’embarquement de dix aéroports, on note que les passagers aériens au départ des principaux aéroports français sont en courte majorité des femmes (51 %), alors que les hommes étaient majoritaires auparavant. Si l’âge moyen des personnes qui prennent l’avion est aujourd’hui de 39 ans, 45 % ont entre 15 et 34 ans, c’est 5 points de plus par rapport à 2015-2016. Les 55 ans et plus ne représentent que 18 % des voyageurs. Les trois régions en France où les habitants prennent le plus l’avion sont l’Ile-de-France, la Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sur les vols domestiques, 91 % des passagers sont de nationalité française. Sur les vols internationaux, ils ne sont plus que 53 %. 25 % viennent d’un autre pays européen, 9 % d’Afrique et 8 % d’Amérique du Nord. L’enquête de la DGAC confirme par ailleurs que la crise sanitaire et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ont changé les habitudes. La part des voyages pour motif professionnel diminue en effet, passant de 25 % à 19 %. Les passagers voyagent toujours majoritairement en avion pour partir en vacances (51 %, +3 points par rapport à 2015-2016) ou pour rendre visite à des amis ou de la famille (25 %, +4 points par rapport à 2015-2016). Malgré les préoccupations croissantes concernant l’empreinte carbone des voyages aériens, une majorité de passagers (83%) n’a pas renoncé à prendre l’avion pour réduire son bilan carbone. De plus, près de la moitié des répondants (47%) n’envisagent pas de diminuer leurs déplacements aériens dans les années à venir. Seulement 17% déclarent qu’ils ont renoncé à un trajet à cause de la planète.
Réunis à Dubaï début juin pour l’assemblée générale de l’association des compagnies aériennes internationales, malgré leurs doutes sur la disponibilité de suffisamment de carburants d’aviation durables, les représentants des compagnies se sont tout de même engagés à atteindre la neutralité carbone en 2050.