Il y a quelques semaines, Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger, présentait les résultats 2022 du commerce extérieur français. Dans un contexte mondial dégradé (invasion russe de l’Ukraine, persistance des tensions sur les chaînes d’approvisionnement, flambée des cours des matières premières, hausse de l’inflation, remontée des taux d’intérêt…) le commerce extérieur de la France a enregistré une dégradation de la balance courante qui redevient, avec un solde de -53,5 Md€, déficitaire, après avoir été excédentaire en 2021 à +9 Md€. En 2022, les excédents constatés en matière de services (+50Md€) et de revenus (+31 Md€) n’ont pas suffi à compenser le déficit commercial enregistré sur les biens. Il atteint 164 Md€, soit une dégradation de 78 Md€ sur un an, imputable quasi exclusivement (à 86%) à la facture énergétique.
Dans ce rapport 2023, réalisé par la Direction générale du Trésor, on apprend notamment que les nouvelles sont bonnes en matière de services qui enregistrent un nouvel excédent record en 2022 de +50 Md€, porté notamment par la reprise du tourisme et les bonnes performances de nos entreprises de transports. La reprise des échanges de services s’est accélérée en 2022 (+20,8% après +14,7% en 2021). Les services de transports sont en excédent pour la deuxième année consécutive, atteignant un plus-haut historique à +24,5 Md€, principalement porté par l’excédent des transports maritimes, malgré un repli des exportations au 4° trimestre. Le solde des services de voyages est excédentaire de +14,3 Md€, son niveau le plus élevé depuis 2015, bénéficiant de la reprise du tourisme.
L’autre bonne nouvelle l’année dernière a concerné la balance des revenus (qui constitue, avec la balance commerciale des biens et services, l’une des deux composantes du solde des transactions courantes). La France est, avec l’Allemagne, l’un des rares pays de la zone euro dont la balance des revenus présente un excédent depuis 2005. Relativement stable autour de 7 MdE soit 0,3 % du PIB en moyenne entre 2009 et 2019, cet excédent permet, en France, de compenser partiellement le déficit de la balance commerciale des biens et services. La balance des revenus – ceux notamment générés par les filiales des entreprises françaises présentes à l’international – est, elle aussi, excédentaire, à +31 Mdé.
En revanche en 20222 le solde des biens (y compris négoce) s’est détérioré, passant d’un déficit de 67,9 Md€ en 2021 à -134,4 Md€ en 2022. La principale cause est conjoncturelle : il s’agit de l’impact d’une facture énergétique particulièrement lourde qui a plus que doublé en un an. L’autre cause est structurelle : avec les effets de la désindustrialisation de notre économie ces dernières décennies, nous avons cessé de fabriquer les biens que nous aurions pu exporter, et nous avons, à l’inverse, besoin de les importer.
Les parts de marché mondiales de la France, stables entre 2012 et 2019 autour de 3,0%, s’établissaient à 2,6% en 2021 (après 2,8 % en 2020) sur le périmètre des biens. En 2022, elles ont légèrement reculé et atteignent 2,4 %. Certes, les exportations qui avaient déjà quasiment retrouvé leur niveau d’avant-crise en 2021, connaissent une forte hausse de 18,5 % (+92,8 Md€) par rapport à leur niveau de 2021, à 594,5 Md€, mais le déficit s’est fortement dégradé en 2022, suivant une tendance qui affecte également nos voisins européens, jusqu’à atteindre -164 Md€, contre -86Md€ en 2021
Dans le détail, si l’on regarde les principaux secteurs concernés :
Le secteur agricole et agroalimentaire a vu ses exportations progresser de 19,3 % par rapport à 2021 pour atteindre 83,6 Md€ en 2022, soit 129,9 % de son niveau de 2019. Les importations sont en hausse de 18,3 %, à 73,3 Md€. Les performances du secteur sont essentiellement soutenues par les produits de la culture et de l’élevage, en hausse de 37,1%, ainsi que par celles des huiles et graisses végétales et animales (+49,3%) attribuables notamment à la hausse des cours mondiaux
des matières premières agricoles. D’un point de vue géographique, la hausse des exportations de produits de la culture et de l’élevage est particulièrement marquée à destination de l’Afrique (+135,4 %) notamment l‘Afrique du Nord, Les hausses les plus significatives de nos importations concernent la viande (+33,2%), les produits laitiers et glaces (+38,0 %), et les huiles et graisses végétales et animales (+35,1%).
En 2022, les exportations du secteur des produits chimiques, parfums et cosmétiques poursuivent leur dynamique de reprise entamée en 2021, avec une hausse de 18,0 % à 78,0 Md€. Les importations augmentent quant à elles de 29,7 %. La dégradation du solde est entièrement imputable aux produits chimiques (plus exposés à la hausse des prix de l’énergie) dont le solde se détériore de 5,6 Md€, pour atteindre -3,5 Md€, alors que celui des parfums et cosmétiques progresse de 2,3 Md€, à +15,4 Md€.
Les échanges du secteur pharmaceutique continuent de progresser en 2022, avec une hausse des exportations de 8,2 % à 38,2 Md€ mais aussi des importations de 7,7 % à 35,2 Md€, et ce, malgré une légère baisse des achats de vaccins contre la covid.
La reprise des échanges du secteur automobile s’est poursuivie en 2022 pour quasiment retrouver leur niveau d’avant la crise, Les exportations ont augmenté de 9,4 % pour s’établir à 48,3 Md€, soit 97,1% de leur niveau de 2019. Les importations progressent à un rythme similaire (+9,6%) pour atteindre 68,2 Md€. La hausse des importations d’équipements pour automobile est bien plus marquée (+18,2%) que pour les véhicules finis (+6,7 %). Nos exportations ont continué à progresser tout au long de l’année.
Le secteur des biens d’équipements connaît une hausse de ses exportations moins marquée que pour les autres secteurs, de 13,3% à 105,0 Md€, ainsi que de ses importations, de 12,7 % à 148,5 Md€. Il s’agit du deuxième déficit commercial de la France, loin derrière le secteur énergétique. Au sein de ce secteur, les échanges de composants et cartes électroniques, qui comprennent les semi-conducteurs, connaissent la plus forte croissance avec une hausse des exportations de 38,6% à 12,0 Md€.
Les exportations de « produit de luxe » (ensemble composé des boissons, parfums et cosmétiques, cuirs et bagages, bijouterie-joaillerie et objets d’art) progressent de 17,9 % pour atteindre 69,8 Md€. Les importations augmentent de 22,5 % à 33,1 Md€, ce qui se traduit par un solde excédentaire en progression de 4,5Md€ pour s’établir à +36,6Md€. La hausse des exportations de produits de luxe est plus marquée à destination de l’Amérique (+26,2 %) et de l’Europe (+17,6%) par rapport à l’Asie (+12,7 %).
Les exportations du secteur textile affichent enfin l’une des meilleures performances, progressant en 2022 de 20,9% par rapport à l’année précédente pour atteindre 37,8 Md€. Les importations progressent malheureusement de 22,6% et s’établissent à 48,6 Md€.
Si l’on regarde maintenant par zones géographiques, et non plus par produits, différentes tendances se dégagent :
L’Amérique du Nord (ALENA)) est, après l’Asie et Océanie, la deuxième région avec laquelle le solde commercial de la France s’est le plus fortement dégradé par rapport à 2021. Il redevient déficitaire en 2022, une première depuis 2017, en chutant à -12,2 Md€ après +2,8 Md€ en 2021. Cette détérioration brutale est due à la forte croissance de nos importations en un an (+68,8%). Elle s’explique notamment par la place croissante occupée par les États-Unis dans la fourniture de gaz naturel liquéfié dans un contexte de substitution des énergies russes et d’inflation sur ses cours.
Le solde commercial avec le Proche et Moyen-Orient se creuse également en 2022, passant d’un excédent de +3,3Md€ à un déficit de -3,3Md€. Nos échanges se caractérisent par une progression plus sensible des importations (+114,3%, atteignant 18,1 Md€), en lien toujours avec la substitution progressive de la Russie en tant que fournisseur d’énergie et la hausse des prix, que des exportations (+25,5%, s’élevant à 14,7 Md€). Nos imports ont été portés par l’Arabie
Saoudite (+3,4 Mde), le Qatar (+3,1Md€, soit +440,7% par rapport à 2021) et le Koweït (+1,3 Md©), Pour les exports, l‘Arabie Saoudite contribue à presque la moitié de leur croissance (1,2 Md6).
Le solde commercial avec l’Amérique Centrale et du Sud devient également déficitaire en 2022, passant de +0,7 Md€ à 0,3 Md€. Cette région représente une part marginale de nos échanges (1,4% en 2021 et 1,5% en 2022). Nos importations ont connu une forte croissance majoritairement portée par le Brésil (un tiers de la hausse provenant du pétrole brut et un autre tiers des produits agricoles et agroalimentaires).
L’Afrique se classe cinquième au rang des régions dont le solde commercial s’est le plus creusé avec la France entre 2021 et 2022, passant de -2,3 Md€ à -10,8 Md€. Cette contre-performance s’explique par une hausse plus importante des importations (+50,9 %, pour atteindre 38,9 Md€). Le poids modeste des exportations vers l’Afrique dans les exportations françaises relativise les pertes de parts de marché de la France sur ce continent.
La faible croissance de nos exportations et le dynamisme de nos importations avec l’Asie expliquent le creusement inédit de notre déficit vis-à-vis de la région, passant de -47,6 Md€ à -70,6 Md€ en 2022. Cette détérioration de 23,0 Md€ sur un an est largement imputable à la Chine, avec des exportations en retrait de 0,3 Md€ et des importations progressant de 13,3 Md€ (la moitié de la hausse provenant des équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique). L’année 2022 renforce la position de la Chine en tant que premier déficit commercial bilatéral de la France, passant de -40,0 Md€ en 2021 à -53,6 Md€.
L’UE est la seule région pour laquelle les exportations (+21,2%) ont été plus dynamiques que les importations (+20,4 %). Le dynamisme de nos exportations s’explique par leur progression vers l’Italie (+15,0 Md€ par rapport à 2021), l‘Allemagne (+10,1Md€), la Belgique (+8,3 Md€) et l’Espagne (+7,2 Md€). La croissance des importations est surtout portée par la Belgique (+22,3 Md€, en lien avec son rôle de pays transit pour le transport de gaz naturel), suivie de l‘Allemagne (+11,0Md€) et de l’Espagne (10,8 Md€).
En fin de rapport le gouvernement dégage ainsi quelques pistes de solutions à mettre en œuvre. La réindustrialisation du pays (intensifiée par le plan France 2030), l’amélioration de notre compétitivité-coût et, l’accélération de l‘internationalisation de nos entreprises grâce à des dispositifs de soutien à l’export. Ici encore, bonne nouvelle, le nombre d’entreprises exportatrices en France a encore enregistré une progression soutenue en 2022 et atteint un nouveau record à 144 400 au troisième trimestre 2022.