Malgré un léger recul de l’inflation, le climat des affaires se dégrade en Outre-mer. C’est potentiellement ce qui ressort du rapport annuel de l’Institut d’Émission d’Outre-Mer (IEDOM-IEOM) filiale de la Banque de France, sur la conjoncture économique ultramarine 2023 et les perspectives pour l’année 2024. Confrontés à une inflation pénalisante, les territoires ultramarins doivent composer avec une consommation en baisse et des investissements insuffisants.
L’an dernier aura été marqué par un ralentissement de l’inflation dans les DROM-COM. De manière globale, sur l’ensemble des territoires d’Outre-mer, la hausse des prix est passée de 5 % en moyenne en décembre 2022 à près de 2,5 % un an plus tard. L’inflexion enregistrée en 2023 est principalement portée par la baisse des prix de l’énergie. Les produits alimentaires, eux, sont restés chers tout comme le coût du crédit. Bien que l’inflation ait globalement reflué dans les Outre-mer, le président de l’IEDOM attire l’attention sur la volatilité du phénomène de hausse des prix : « Sur la fin de l’année 2023, on a pu voir dans certains territoires un petit mouvement d’accélération de l’inflation notamment à La Réunion (+ 54,3 % sur les produits frais en un an) ». Les taux d’intérêts ont, eux aussi, augmenté. Les prêts à la consommation se situaient dans une fourchette de 4 % à 5 % selon les territoires début 2023. À la fin de l’année, ils étaient entre 5,5 % et 6,5 %. Pour les prêts immobiliers, ils sont passés de 1,8 % – 2,2 % à 3,2 % – 4,2 % en l’espace d’un an. Cette hausse a empêché bon nombre de ménages de contracter des emprunts, grévant, là aussi, la consommation locale. Le coût du fret s’est nettement détendu en 2023, mais augmente à nouveau au début de 2024.
Si la dynamique de la consommation des ménages et des crédits à l’habitat s’est infléchie, du côté des entreprises, l’indicateur du climat des affaires a baissé, même si en général il est demeuré au-dessus de sa moyenne de long terme. Selon l’Institut, la perspective est celle d’une « fragilisation des entreprises et d’un recul de l’activité dans certains territoires « . En Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, les chefs d’entreprise s’attendent à une activité en baisse en 2024. En Nouvelle-Calédonie, la crise historique que connaissent actuellement les usines de nickel ébranle l’économie locale. Le secteur représente 20 % du PIB local et un quart des emplois. Glencore, actionnaire de KNS, a annoncé en février dernier la mise en sommeil de l’usine du Nord pour six mois. Certes l’emploi salarié privé a dans l’ensemble progressé, mais les difficultés de recrutement se sont intensifiées et le taux de chômage est resté élevé. En Guadeloupe, par exemple, le taux de demandeurs d’emploi était de près de 17 % au troisième trimestre 2023. C’est bien au-dessus des chiffres nationaux qui oscillent autour de 7 %. La Martinique, la Guyane et La Réunion connaissent, eux aussi, des forts taux de chômage. Pour compléter ce tableau peu réjouissant, depuis quelques mois, les défaillances d’entreprises sont en nette augmentation, particulièrement dans les bassins atlantique et indien. En 2023, 2 290 entreprises se sont retrouvées en procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire). Ce chiffre dépasse le niveau d’avant covid. Il est en hausse de 32 % par rapport à 2022. Et les premières remontées du premier trimestre 2024 ne sont pas bonnes.
Les remèdes que suggère l’IEDOM à ces économies ultramarines sinistrées sont connus de longue date. Trouver un chemin de croissance durable passe à la fois par un renforcement de l’investissement, notamment privé et en particulier dans le domaine de la transition énergétique. Encore trop peu utilisées dans les DROM, les énergies renouvelables pourraient peser dans le coût de la vie dans ces territoires. Deuxième axe de travail, une meilleure intégration des Outre-mer dans leur voisinage régional. En effet, les pays voisins échangent en général plus avec l’Hexagone ou d’autres pays, qu’avec les territoires ultramarins alors que ces derniers représentent un marché potentiel non négligeable pour des économies en développement. Pour retrouver les conditions de ce chemin de croissance, l’IEDOM indique qu’il est impératif de créer les conditions de la compétitivité (accélérer la transformation numérique, faire aboutir les réflexions engagées sur la fiscalité et les retards de paiement, former les dirigeants et les salariés…) et de l’attractivité (libérer le foncier, concrétiser les projets de transport, réduire l’insécurité…) pour les territoires ultramarins, mais le chemin semble encore long.