Saipol, filiale du groupe Avril, commercialise Oleo100, une énergie 100% colza français de type « B100 » pour se substituer au gazole dans les réservoirs des véhicules poids lourds depuis 2018. De plus en plus utilisé par les transporteurs, le B100 représente une sérieuse alternative aux carburants fossiles, à l’heure où les préoccupations pour les enjeux environnementaux sont prégnantes et où le cout du gazole bat des records.
Le prix à la pompe explose ces dernières semaines. En an un, le prix du gazole a bondi de 28%, la faute au coût du baril, dont la valeur s’est envolée à plus de 100% en douze mois. C’est une problématique supplémentaire qui s’ajoute aux difficultés que rencontrent les transporteurs. En plus des pénuries de main d’œuvre et d’une hausse des coûts généralisée, c’est peut-être l’occasion pour les transporteurs de repenser leur approvisionnement en carburant vers des solutions plus propres.
Autorisé sur le marché français il y a trois ans, le B100, biocarburant 100% d’esters méthyliques d’huiles végétales, commence à séduire les professionnels du transport. Saipol, leader du marché des biodiesels en France a été le premier a commercialisé du B100, sous le nom d’Oleo100, un B100 entièrement issu de graines de colza françaises. D’ailleurs, 2 500 camions sont équipés d’Oleo100 sur le territoire français. Un balbutiement mais dont les marges de progression sont grandes. La pression exercée par les pouvoirs publics sur la réduction des émissions de CO2 favorise le passage au vert. Thomas Vial, responsable commercial Oleo100 pour Saipol, fait part de cette demande de plus en plus forte pour le carburant vert et la recherche de solutions propres chez les transporteurs : « Aujourd’hui, il y a deux demandes chez les transporteurs : la possession de la vignette Crit’air imposée dans les zones à faible émission et la baisse des émissions de CO2 ».
Avril, pionnier sur la production de B100 en France
Ce ne sont pas moins de cinq millions de tonnes de colza récoltées chaque année sur le territoire français. Le spécialiste de la filière végétale et animale, Avril, est à l’origine de cette production significative, impulsée dans les années 1970. Sur les cinq millions de tonnes produites, trois millions sont réservées à la production de tourteaux, dont Avril est le premier fournisseur français auprès des agriculteurs à hauteur de 60%. Les deux millions de tonnes restantes servent à la production de l’huile de colza. Une partie est destinée à l’huile alimentaire ; ses excédents sont transformés par transestérification en biocarburant. L’huile issue des petites graines noires de la plante jaune a été choisie au profit d’autres plantes pour sa résistance au froid. Thomas Vial explique : « A l’inverse de l’huile de palme, le colza ne gèle pas en hiver, il tient mieux le froid. C’est pour cela qu’on utilise le colza. ».
Cette énergie issue du colza est compatible avec la majorité des moteurs Euro VI.
« Oleo100 présente l’avantage de décarboner rapidement les flottes puisqu’elle est compatible sur de nombreux véhicules, neufs comme déjà en parc. Peu d’investissements nouveaux sont nécessaires et le client n’a pas besoin de formation particulière pour alimenter son véhicule. » précise Thomas Vial.
Depuis, d’autres distributeurs ont rejoint ce marché des biocarburants, notamment K9 et Altens.
Un carburant vert mais qui doit encore séduire
Rouler au B100 présente de nombreux avantages. C’est d’abord l’assurance de réduire fortement l’empreinte carbone de sa flotte, sans avoir à investir dans de nouveaux véhicules. Thomas Vial explique : « Utiliser le B100 permet de réduire de 60% les émissions de CO2 et jusqu’à 80% celle des particules fines par rapport au gazole d’origine fossile ».
Néanmoins, le processus de filtration de l’huile, la transestérification, implique un cout plus élevé du m3 du biocarburant. Pour inciter les transporteurs à rouler au B100, le biocarburant profite d’un cadre règlementaire et fiscal spécifique. « Le B100 bénéficie d’une TICPE réduite, c’est pour cela qu’elle ne peut être utilisée que par les flottes captives, et non directement à la pompe. » explique le responsable commercial. Oleo100 dispose donc d’un tarif indexé sur celui du gazole auquel s’ajoute le remboursement de la TICPE. D’après le distributeur, le B100 est donc accessible au même prix que le gazole.
Même si la pression sur la décarbonation des flottes est de plus en plus forte, seule une minorité des camions sont aujourd’hui équipés en B100. Pour Thomas Vial, c’est l’ensemble de la filière qui doit se réinventer et un changement de mentalité doit s’opérer dans la société :
« Aujourd’hui, les consommateurs ont tendance à considérer que la livraison est gratuite. Or, rien n’est gratuit. Cette dévalorisation des coûts de livraison et de la filière du transport alimente aussi cette pénurie ».
Les voyants au vert pour la filière des biocarburants
Le secteur n’a pourtant pas à rougir de sa croissance.
« Notre objectif est de tripler l’approvisionnement du nombre de camions roulant avec Oleo100 d’ici 2023. Cela représentera 250 000 m3 de produit pour équiper 15 000 véhicules, soit 5% du parc total de poids lourds en France. » se ravi Thomas Vial.
De la même manière, aux potentiels détracteurs qui accuseraient la filière de planter du colza pour faire rouler les camions, Thomas Vial explique :
« Cela ne représente que 15% de la récolte de colza actuelle. On ne cherche pas à remplacer le gazole, mais simplement à offrir un alternative immédiatement disponible pour la transition énergétique du transport. On ne plante pas non plus du colza pour faire rouler des camions. Selon moi, c’est le mix énergétique qui va devenir la norme, en incluant le B100 et les autres énergies renouvelables matures à venir. »
La Fondation Avril est partenaire des Rencontres Africa 2021, organisées à Lomé, l’évènement pour faire des affaires en Afrique.