On la retrouve en cuisine, son huile présente un taux très élevé en acides gras oméga-3… En cosmétique thérapeutique, souvent prescrite pour les peaux sensibles et fragiles… En agriculture, elle est utilisée en tant qu’engrais vert… Mais c’est en tant que biocarburant que la Cameline va briller dans les prochains mois, une filière française est en cours de développement.
La cameline, cousine du lin, scientifiquement connue sous le nom de Camelina sativa, est originaire d’Europe du Nord. Elle suscite un intérêt croissant en tant que source potentielle de carburant pour les avions. Plusieurs études ont montré le potentiel de l’utilisation de l’huile de caméline comme source de biodiesel ou de biocarburant. L’US Air Force par exemple a piloté avec succès des avions de combat utilisant un mélange de biodiesel de caméline et de carburéacteur standard. De plus, il a été démontré que le carburant à base de caméline réduit les émissions de carbone jusqu’à 85 % par rapport au pétrole (80 % à 86 % du bilan carbone, selon la Direction Générale de l’Aviation Civile) ce qui rentrerait parfaitement dans la perspective de l’industrie aéronautique de parvenir à une décarbonation totale d’ici 2050.
Déjà à l’horizon 2030, le taux d’incorporation des énergies renouvelables, toutes origines confondues, devra atteindre 14 % en Europe, dont un minimum de 3,5 % avec les biocarburants avancés, c’est-à-dire ceux mobilisant une biomasse non-alimentaire. La France a d’ores déjà décidé de rehausser le taux d’incorporation de cette nouvelle ressource énergétique à 2,5 % en 2025, contre 1 % en Europe. Il devra atteindre 5 % en 2030. De plus, l’une des caractéristiques essentielles de cette innovation est qu’elle ne nécessite aucune modification des avions, car elle peut être directement utilisée grâce à un processus de conversion appelé HEFA (hydrotraitement d’esters et d’acides gras).
Malgré son potentiel, le faible prix actuel du carburéacteur conventionnel à base de kérosène rend prohibitif pour les compagnies aériennes commerciales l’utilisation du carburéacteur à base de caméline. Cependant, la plante n’a pas dit son dernier mot et dispose encore d’une autre carte maitresse : Avec la cameline, les agriculteurs ne remplacent pas une culture, il en ajoute une, et la commercialise. Son prix est indexé sur le prix du colza, aujourd’hui très élevé.
Ce qui rend la cameline encore plus attrayante, c’est aussi son cycle végétatif très court qui dure environ 100 jours. Cette crucifère, qui se sème de la mi-juin à mi-juillet et se récolte au plus tard mi-octobre, contribue ainsi au stockage du carbone, à la restructuration du sol, à la réduction des nitrates et à la fourniture de pollen pour les pollinisateurs pendant la saison estivale. Elle ne fait pas concurrence aux cultures alimentaires car implantée et récoltée entre deux cultures principales.
Plusieurs tests sont en cours de par le monde autour de la viabilité de la filière. Pour que la caméline puisse devenir une source de biocarburant fiable pour l’aviation, il est essentiel de développer davantage la chaîne d’approvisionnement, de la culture à la production de biocarburants. Cela implique une collaboration étroite entre le secteur agricole, l’industrie et les gouvernements pour créer une chaîne d’approvisionnement durable et économiquement viable.
Coté agriculteurs les essais ont démontré que l’on pouvait viser un rendement moyen de 10 q/ha mais dans des bonnes conditions des parcelles sont montées jusqu’à 17 q/ha. Ces rendements peuvent paraître faibles mais sont à rapprocher des coûts de production très bas et proches d’un couvert végétal. Peu sensible aux températures élevées, peu exigeante en eau et en intrants, la cameline est globalement résistante aux maladies, peu sensible aux ravageurs et son fort pouvoir couvrant au sol limite le développement de mauvaises herbes. Riche en nectar et pollen, la caméline constitue un apport en nourriture intéressant pour les pollinisateurs.
Malgré un gros potentiel en France, notamment en Normandie orientale, les surfaces consacrées à la cameline restent très modestes. La culture séduit particulièrement les producteurs en agriculture biologique. Une filière française est ainsi en cours de développement autour de la cameline produite en dérobée, culture s’interposant entre deux cultures principales. Plusieurs hectares ont par exemple été plantés dans l’Eure, et après la récolte qui vient de s’achever les graines sont parties vers une unité industrielle du groupe Avril pour être travaillées afin de fournir une huile qui répondra au cahier des charges des pétroliers. Cette première française est amenée à faire des émules quand Bruxelles aura arrêté la liste des intercultures autorisées. Il faudra ensuite que les pays européens mettent en place le cadre fiscal, pour créer un marché qui semble très prometteur pour chacun des acteurs.