Même si la reprise économique est forte sur une grande partie du globe des suites de la pandémie, cette dernière ne laisse pas indemne de nombreux secteurs d’activité. Le transport maritime conteneurisé, maillon fondamental de la chaine d’approvisionnement connait de profonds bouleversements dans son fonctionnement avec des répercussions sur tous les pans de l’économie. Et la tendance de l’inflation record des taux de fret n’est pas à la baisse.
Depuis le début de la pandémie, les taux de fret maritimes ont bondit pour atteindre des niveaux historiques. Même si une stabilité est observée depuis septembre 2021, cette évolution laisse des traces. Les compagnies maritimes doivent revoir leur logique tarifaire, avec des gagnants et des perdants. Le Rapport Upply – octobre 2021 dresse un paysage des bouleversements qui ont touché le secteur du transport maritime conteneurisé avec un constat sans appel : les chargeurs sont contraints de payer un service dégradé beaucoup plus cher.
Comment expliquer cela ?
Avant la pandémie, un système tarifaire en place reposait sur des fondamentaux, aujourd’hui dérégulés. D’abord, des contrats directs d’un an étaient signés entre gros chargeurs et compagnies maritimes. Ces expéditeurs « BCO » (Beneficial Cargo Owner) profitaient des contrats les moins chers du marché et avaient en plus la possibilité de recourir aux commissionnaires de transport internationaux pour leurs besoins ponctuels d’espace (pic, saison…). Désormais, ces contrats directs portent sur des périodes plus longues (2 à 3 ans), et associent des services complémentaires (API, douane, assurance, multimodalité, démarche environnementale, etc.).
Ensuite, les commissionnaires de transports bénéficiaient de tarifs trimestriels avant la pandémie. Même s’ils achetaient le transport un peu plus cher que les grands opérateurs, ils restaient dans la course grâce à une élasticité réduite des prix, commente le rapport. A présent, leurs marges de négociation sont considérablement réduites. Les très grands acteurs du marché (GIFF) pèsent encore suffisamment pour obtenir des tarifs préférentiels, mais les compagnies maritimes s’efforcent de minimiser leur dépendance vis-à-vis de ces grands groupes internationaux.
Enfin, les taux FAK ne restaient pas si éloignés des taux les plus faibles. Cette tarification qui ne différencie pas les différentes marchandises transportées a connu une augmentation brutale des taux de fret. Cela a pour conséquence de peser bien plus lourdement sur des marchandises de faible valeur comme la chimie ou l’agro-alimentaire de base que sur des composants high tech transportés par conteneurs pour le secteur automobile ou aéronautique, par exemple. Dès lors, les petites entreprises ou même les sociétés de taille intermédiaire, qu’il s’agisse de chargeurs ou de commissionnaires, sont orientées vers le pricing dynamique et les taux FAK, via les systèmes de réservation digitaux des compagnies. Ce segment de marché paye donc le prix fort, en contrepartie de garanties d’embarquement.
Les compagnies maritimes dans le viseur
L’altération du système de tarification a fait naitre des tensions entre compagnies maritimes et chargeurs. Ces derniers n’hésitent pas à pointer du doigt l’abus des compagnies maritimes en la matière. A l’instar du patron des centres Leclerc qui a dénoncé un « chantage des compagnies maritimes ».
De plus, les compagnies maritimes des trois Alliances déclarent utiliser la totalité de leurs capacités disponibles. Cependant, selon Sea-Intelligence, le taux de service est tombé à 33,6%, ce qui représente le point le plus bas depuis que cet indice est mesuré, c’est-à-dire depuis 10 ans. La déperdition de capacité effective friserait les 12,5% de la capacité totale (annulations d’escale, retards, etc.).
Par ailleurs, le retard dans la fourniture de conteneurs vides sur les lieux de demande devient une composante structurelle du problème de rallongement des délais d’acheminement sur la partie amont de la supply chain, indique Jérôme de Ricqlès, expert transport maritime conteneurisé chez Upply.
Des conséquences sur l’inflation générale du cout de la vie
Récemment, des embouteillages jamais-vu ont surgit au large des côtes de plusieurs ports dans le monde. Une congestion qui bat des records et a amené les ports à prendre des mesures. Début septembre, les Ports du Sud de la Californie ont par exemple étendu les heures d’embarquement. Mais la situation est également tendue en Europe du Nord et au Royaume-Uni. L’Association des ports britanniques (BPA) a indiqué que cette congestion mondiale qui touche les ports va encore durer 6 à 9 mois. Le phénomène est également accentué par des capacités terrestres réduites : pénurie mondiale de chauffeurs routiers et pénuries de carburant.
L’ensemble de ce désordre a pour conséquence une inflation sur le reste des marchandises. Une augmentation générale du prix des matières premières se fait sentir : carburant, électricité, blé, farine… L’ensemble de ces facteurs conjugués, ne favorise pas une baisse des prix et un retour à la normale.
Point positif de cette augmentation du taux de fret maritime : elle aura permis à des compagnies dont le taux d’endettement était préoccupant, de restaurer des marges. En revanche, l’augmentation des taux de fret inquiète certains acteurs économiques sur leurs marges et leurs projections de vente qui dépendent des échanges internationaux.