Validée le 18 mai, cette décision prendra effet dans 18 mois et concerne dans un premier temps six pays dont le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. La situation en Ukraine figure toutefois parmi les priorités actuelles de la banque, déjà très active en Afrique du Nord.
Nouveau terrain d’action au sud pour la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Sur proposition de sa présidente, la française Odile Renaud-Basso, son instance délibérative suprême, le conseil des gouverneurs vient formellement approuver un élargissement du champ d’action géographique de la banque aux pays d’Afrique sub-saharienne, ainsi qu’à l’Irak.
La décision, qui passe par une révision des statuts de l’institution basée à Londres, a été annoncée le 18 mai à l’occasion de la 32ᵉ assemblée annuelle de la BERD qui s’est tenu à Samarcande en Ouzbékistan.
Pour les nations et entreprises africaines candidates, il faudra toutefois attendre 2025 avant la mise en œuvre formelle des financements. Compte tenu des délais d’instruction et de la constitution des équipes dédiées, l’examen des premiers dossiers devrait toutefois débuter en 2024.
Dans un contexte, où la situation en Ukraine reste la priorité de la BERD, l’extension en Afrique subsaharienne “sera limitée et progressive”, indique la banque qui se propose d’investir pour débuter dans six pays, à savoir le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Ghana, le Kenya et le Nigeria.
Selon l’institution financière multilatérale basée à Londres, cette future intervention sur le continent reflète les liens économiques croissants entre les pays d’opérations actuels de la Banque, l’Afrique subsaharienne (…) et son potentiel de développement du secteur privé dans ces économies.
La proposition formelle d’un élargissement à l’Afrique subsaharienne remonte à l’assemblée générale de la banque en 2019, à Sarajevo. Ce projet a fait l’objet de plusieurs études internes et communications.
“Notre modèle commercial particulier apporte une réelle valeur ajoutée qui peut compléter le travail des partenaires de développement existants et accélérer la transition en Afrique subsaharienne et en Irak. Cette décision réaffirme également l’engagement de nos actionnaires envers le programme de développement mondial”, selon une déclaration du 18 mai d’Odile Renaud-Basso, ancienne haute fonctionnaire française qui fut notamment directrice du Trésor de 2016 à 2020, avant de prendre la direction de la BERD.
La banque de développement a été créée immédiatement après la chute du rideau de fer, en 1991, pour aider les pays de l’ex-bloc soviétique à se moderniser et conduire leur transition vers l’économie de marché. Elle rassemble 71 pays membres de tous les continents, ainsi que l’Union européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI).
Dès ses débuts, la banque a compté des pays nord africains. Le Maroc et l’Egypte faisaient ainsi partie des membres fondateurs de 1991. Puis, en 2011, la BERD a formellement étendu son action et ses financements à la région Méditerranée méridionale et orientale, à savoir le Maroc, la Tunisie, l’Egypte ainsi que la Jordanie et le Liban. Cette région, connue à la BERD sous son acronyme SEMED, a bénéficié d’un niveau record de financements en 2022, à savoir 2,4 milliards d’euros, à travers 50 projets.
La banque est particulièrement active en Egypte qui a reçu environ la moitié de ses financements en 2022, mais aussi au Maroc. Elle a ainsi doublé ses financements dans le royaume chérifien en 2022. Ceux-ci ont atteint 528 millions d’euros dans 14 projets, contre 211 millions d’euros en 2021.
La BERD, à l’image également de la BEI, a la particularité d’investir à la fois dans des projets publics, des infrastructures, des entreprises du secteur productif ou bancaire ainsi que des fonds d’investissements (dont en Afrique du Nord, Mediterrania Capital, RMBV North Africa Fund ou Africinvest).
A titre d’illustration de ses projets, la banque devrait investir, d’ici fin juin, 200 millions d’euros dans une émission d’obligations durables de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable au Maroc, un pays où elle soutient fortement aussi les entreprises industrielles locales ou internationales (Plastipak, Dolidol, Varroc Lighting…).
Concernant le secteur privé, le niveau minimum des prêts de la BERD est de l’ordre de 3 millions d’euros pour une moyenne effective de 25 millions d’euros.
La banque oriente, par ailleurs, de plus en plus son action vers le développement durable (environ 50% de ses prêts) comme le montre un récent financement syndiqué de 100 millions de dollars en Egypte pour le projet éolien Red Sea Wind Energy.
Globalement, en 2022, la BERD aura investi dans 35 pays un montant record de 13,1 milliards d’euros (dont 1,7 milliard en Ukraine) contre 10,4 milliards d’euros en 2021.
Pour faire face à ses engagements croissants, en Ukraine et demain en Afrique et en Irak, le conseil des gouverneurs a approuvé le 18 mai une augmentation de capital de la banque (actuellement 30 milliards d’euros). Ce relèvement des fonds propres sera compris entre 3 et 5 milliards d’euros, selon une décision qui doit être prise d’ici à la fin d’année.