La guerre en Ukraine a provoqué un véritable séisme sur le marché international du blé. La Russie est en effet le premier exportateur mondial de blé, l’Ukraine est quant à elle le quatrième pour les pays africains importateurs de céréales.
À l’heure actuelle la tonne coûte 400 euros rendant ce produit hors de prix pour les pays économiquement faibles en Afrique ( contre 200 euros en janvier ). Ce début du mois, les prix du blé ont augmenté de plus de 40 %, ceux du maïs d’environ 30 % et ceux du soja de plus de 25 % à cause du conflit.
Alors que le ramadan, mois marqué par une forte consommation dans les pays musulmans, approche, les effets de cette nouvelle crise du blé se font sentir dans d’autres pays du continent, où les prix du pain grimpent également. Tous les pays sont touchés mais dans des proportions différentes. Les boulangeries libanaises rationnent le pain et dans le pays le prix d’un sac de pain a augmenté de 20% en quelques jours . En Syrie, les gens doivent faire la queue pendant des heures pour avoir du pain. Sur le marché camerounais le prix de la baguette de pain la plus consommée est passé en quelques jours de 125 à 150 francs CFA (environ 23 centimes). Ce pays d’Afrique centrale qui importe 35 % de son blé de la Russie voit actuellement les prix des denrées alimentaires monter en flèche.
La guerre en Ukraine est aussi un sujet de préoccupation majeur pour le gouvernement égyptien. Il est en effet le plus gros importateur de blé au monde et ses principaux fournisseurs étaient justement la Russie et l’Ukraine… qui fournissaient 84 % du blé nécessaire au pays. Ne produisant lui-même que 9 millions de tonnes de blé, l’Egypte reste donc dépendante de ces importations. Cette céréale lui sert surtout à la fabrication de son pain. La consommation de pain par habitant atteint 130 kg par an, bien au-dessus de la moyenne mondiale. Pour faire face à une possible pénurie, le gouvernement a déjà lancé des appels d’offres vers ses autres fournisseurs, dont la Roumanie, la France, l’Amérique ou l’Australie. Pour le moment, les autorités assurent que « la réserve de blé est suffisante pour quatre mois ». La question de la hausse du coût du blé reste néanmoins préoccupante tout comme celle du coût du transport et du déchargement des cargaisons venant d’Europe par exemple qui a augmenté de 30% avec la hausse du pétrole. La hausse généralisée des prix et notamment des produits de première nécessité, mais aussi du prix du « pain subventionné » (gelé depuis des années), fait hésiter le gouvernement. Toucher au pain en Egypte est un pari très risqué. Nul n’a oublié les sanglantes émeutes du pain de janvier 1977, ni la révolution de janvier 2011 dont le slogan était « pain, liberté justice sociale ». La Banque mondiale a prévenu qu’une hausse de 30% des prix des aliments pourrait faire grimper de 12% le taux de pauvreté, qui touche déjà près du tiers des 103 millions d’Egyptiens.
De son coté, face à ce problème de dépendance, la Banque Africaine de Développement (BAD) a lancé la semaine dernière un plan à 1 milliard de dollars pour se passer du blé russe. Cette enveloppe budgétaire permettrait d’éviter des pénuries alimentaires en Afrique, en permettant le développement du secteur agricole. Cette levée de fonds aidera 40 millions d’agriculteurs africains à utiliser des technologies résistantes au climat et à augmenter leur production de variétés de blé tolérantes à la chaleur. Cette nouvelle stratégie qui vise à développer le secteur agricole africain vise également à augmenter la production de cultures comme le blé, le riz et le soja pour atteindre un objectif de 100 millions de tonnes d’aliments afin de nourrir 200 millions d’Africains. Cette économie africaine contribuera ensuite à 23% du PIB et 49% des emplois dans le secteur de l’agriculture qui a déjà été fortement impacté par le Covid-19.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), huit à treize millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-nutrition dans le monde si les exportations alimentaires de l’Ukraine et de la Russie étaient durablement empêchées. La semaine dernière, António Guterres , le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) disait déjà redouter un « ouragan de famines ».