A 60 km au Nord de Marrakech, l’Université Mohammed VI Polytechnique, UM6P, de Benguerir veut devenir la première du continent africain, avec plusieurs pôles d’excellence, dont l’énergie. Sur une zone de 8 hectares voisine de l’UM6P, le Green Energy Park est un labo de l’Institut de Recherche en Énergie Solaire et Énergies Nouvelles (IRESEN) qui, depuis cinq ans, installe, teste et innove dans les conditions réelles de cette province aride du Maroc.
Le Maroc n’en est pas à son coup d’essai en matière d’innovation sur l’énergie. En 2013, démarrait à Ouarzazate le chantier NOOR de la plus grande centrale solaire du continent avec la technologie novatrice du CSP : ‘Concentrated Solar Power’. L’idée était de miser sur la chaleur thermodynamique plutôt que l’irradiance propre à la technologie classique du silicium. Des miroirs captent et stockent la chaleur du soleil puis font tourner une turbine avec de l’eau comme fluide caloporteur. Cette première expérimentation en grandeur nature a connu deux limites : la ressource en eau qui s’ajoute à un stress hydrique toujours grandissant et la performance des panneaux silicium. « Nous testons un grand nombre de configurations et de panneaux. Le coût de production d’un Mwh est passé en deçà du niveau très compétitif de 30 EUR avec des panneaux silicium sur trackers mono-axiaux, là où la technologie CSP dépasse encore largement les 100 EUR », explique Ahmed Benlarabi, responsable Partenariat et Business Development.. «Nos tests sont parfois plus exigeants que les normes standard car nous testons les conditions de chaleur, d’UV, empoussièrement extrêmes sur ce site » ajoute le spécialiste qui travaille aussi sur des systèmes de batteries, de recharges de véhicules, de nettoyages de panneaux et aussi un cadastre solaire opensource d’une grande précision (http://gepmapping.ma/map). Un partenariat est prévu avec l’université de Yamoussoukro, afin de comparer les conditions du Maroc avec celles de la zone subsaharienne.
D’autres axes sont à l’étude : l’expérimentation d’une nouvelle génération de CSP à usage résidentiel ou l’usage de la chaleur pour des procédés industriels. Le séchage des phosphates et la production d’hydrogène vert, très complémentaire avec celle de l’ammoniac, permettrait des économies d’énergies fossiles. Benguerir reste une zone minière stratégique pour l’OCP (Office Chérifien des Phosphates), par ailleurs principal financeur de l’UM6P. « Le CSP est une technologie de réserve » confirme Rachid Benhida, chercheur à l’UM6P, bien conscient que le prix des panneaux silicium a presque doublé depuis son point bas de 2020, et que la Chine est en situation de monopole de fait sur cet approvisionnement. Si le CSP produit par le Green Park couvre 30% des besoins de l’université, curieusement les 250 kW de panneaux silicium du site ne servent qu’au labo. « Le surplus d’énergie produit en basse tension ne peut pas être revendu sur le réseau » regrette Ahmed Benlarabi, car la loi permettant la revente traîne à être mise en place, privant le Maroc du gisement considérable du solaire résidentiel et artisanal. L’adaptation du réseau et de la réglementation, sont donc indispensables si le Maroc veut sortir de sa dépendance à 84% des importations en énergie et tirer parti de son incroyable potentiel solaire.