Le pays, avec Edf notamment, mise sur les grands projets hydroélectriques, synonymes d’électricité bas carbone. Des opportunités se développent aussi sur des systèmes décentralisés.
Un potentiel énorme, lentement mis en valeur. Avec la mise en service attendue début 2024, du barrage de Nachtigal, ce sont 420 MW qui vont être reliés par tranches au réseau électrique camerounais géré par l’opérateur public-privé Eneo, détenu à 55% par le fonds Actis. Situé à 70 km au nord de Yaoundé, cet ouvrage, posé sur l’important fleuve Sanaga, s’apprête à renforcer le poids de la houille bleue dans le mix électrique du pays : celle-ci pèse déjà 79 % de la production, selon l’agence Irena, faisant de l’électricité camerounaise une des moins carbonées de tout le continent !
Avec un parc hydroélectrique installé de 1,5 GW, « le Cameroun reste pourtant loin d’avoir fait le plein. « En raison de la pluviométrie et du relief, les capacités exploitables comptent parmi les plus importantes en Afrique », confirme un investisseur spécialiste du secteur. Selon les études, ce potentiel se chiffre de 12 à 23 GW, avec un objectif national de 5 GW installé en 2030.
C’est bien ce qu’a compris Edf qui a choisi le Cameroun comme pays prioritaire en Afrique pour l’hydroélectricité. Le groupe français est un des principaux partenaires (40%) de Nachtigal, à travers la société de projet NHPC, dont l’actionnariat est aussi constitué de l’Etat (15%) et de partenaires financiers (SFI, Africa50 et STOA). Cet ouvrage, équipé de six turbines Francis de GE, est réalisé notamment par le français NGE, le belge Besix et le marocain SGTM.
En plus de Nachtigal, Edf, dirigée au Cameroun par Marlène Biessy, a signé le 25 juin 2021 un accord de développement avec l’Etat pour un second projet encore plus important : le barrage de Kikot, lui aussi sur la Sanaga. Avec une puissance de 450 à 550 MW, cet ouvrage, au stade de pré-étude, nécessitera des fonds de l’ordre de 1 milliard d’euros. Un dossier sur lequel le groupe, et notamment Valérie Levkov sa directrice Afrique, Moyen-Orient, s’active pour structurer le financement, non encore réuni. Avec comme prêteurs possibles la Banque mondiale, des banques régionales ou encore la Société générale.
« Ce type d’infrastructure est important pour la croissance à long terme du pays, je pense surtout au développement du secteur minier », indique notre investisseur. De fait, l’important potentiel du sous-sol (minerai de fer, bauxite…) reste largement sous-exploité, certains projets ayant même pris un caractère chaotique. Mais d’autres comme ceux dans le rutile d’Eramet avancent, ce qui générera à terme une importante demande additionnelle d’électricité.
En ce sens, un méga barrage, celui de Grand Eweng porté par la société de projet américain Hydromine (dont c’est le seul actif), fait figure de serpent de mer. Situé lui aussi sur la Sanaga, ce projet de 800 MW peine à avancer, notamment pour des questions de financement. De nombreux autres projets, dont celui de l’important barrage Memve’ele (211 MW), quasi achevé, ont pour leur part subi d’importants retards ces dernières années pour diverses raisons (financement, longueur des travaux, raccordement insuffisant…). Un autre très gros barrage, celui de Chollet (600 MW), projet en commun avec le Congo et confié à l’opérateur chinois CGGC, reste lui aussi incertain.
Il reste que l’intérêt des investisseurs privés pour l’électricité au Cameroun demeure entier. Cela s’explique notamment par le cadre favorable mis en place de longue date. Dans ce pays, où Eneo est l’opérateur historique, la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur a ouvert la voie à la production indépendante. Et cet attrait ne se limite pas à l’hydroélectricité. S’appuyant sur les ressources du pays en gaz naturel, parmi les autres investissements en germe figurent plusieurs centrales à gaz, dont celle du port de Kribi (voir ci-dessous) ou celle de Limbé (350 MW), près de Doula, un projet pour lequel le consortium sino-ghanéen Sunon – China Energy a été préqualifié.
En marge des grandes infrastructures, des projets de taille beaucoup plus modeste émergent aussi dans le pays. A l’image de la mini-centrale hydroélectrique de Mbakaou Carrière à Tibati. D’une puissance de 1,5 MW, elle a été développée par la PME lyonnaise d’ingénierie IED pour un coût proche de 7 millions d’euros sur financement de l’Union européenne. Récemment achevé, le site fournit de l’électricité à 300 familles rurales, en substitution de générateurs à fuel. La mini-centrale devrait même générer des crédits carbone, selon un schéma mis en place par la société parisienne spécialisée dans la compensation carbone Aera dirigé par Fabrice Le Saché. Ce site fait l’objet d’un projet de quasi-doublement par IED pour porter la puissance à 2,8 MW.
Si le Cameroun bénéficie d’un niveau d’électrification élevé en milieu urbain de l’ordre de 95 % selon la Banque mondiale, c’est loin d’être le cas en zone rurale où ce taux n’est que de 25 % environ. Les pouvoirs publics ont lancé comme réponse en 2019 le programme PERACE (Projet d’électrification rurale et d’accès à l’électricité du pays). Cofinancé par la Banque mondiale, la BEI et l’Union européenne, ce plan, qui peine toutefois à prendre de l’ampleur, doit impacter à terme 1,7 million de personnes dans des zones non connectées. Impact attendu : un éveil du photovoltaïque, encore peu développé dans le pays, à quelques exceptions près dont des projets de Scatec… ou d’Edf.
Le PAK veut ses électrons
Opérationnel depuis 2018 et actuellement en phase d’expansion, le port autonome de Kribi (PAK) est décidé à se doter de ses propres moyens de production électrique pour sécuriser ses opérations. En ce sens, le PAK a lancé un appel d’offres en mars 2022 pour une centrale à gaz de 50 à 80 MW extensible facilement. Cinq candidats ont été préqualifiés en août 2022, à savoir, dans l’ordre de mérite : Tecmon/Telemenia, Aggreko, Wartsila/AFC, Globeleq et Bxc. Le projet sera conduit en BOOT intégral et vise à répondre à l’accroissement des besoins électriques du port après 2024.