Jean Castex a, le 27 juillet dernier, pris officiellement la tête de l’Agence de financement des infrastructures (AFITF) l’agence publique chargée de financer les grands projets de transports ferroviaires, routiers, fluviaux et maritimes. Premier ministre d’Emmanuel Macron entre juillet 2020 et mai 2022, il succède à ce poste à Christophe Béchu, qui a, lui, rejoint en juillet le gouvernement d’Elisabeth Borne en tant que ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Créé en 2004 sous le gouvernement du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin de Jacques Chirac, l’AFIT est un établissement public administratif national. L’AFITF a pour missions, selon son site internet, de « dépasser les aléas de l’annualité budgétaire » étant donné que ce sont des projets qui nécessitent des investissements sur plusieurs années, ainsi qu’« affecter des ressources provenant majoritairement du trafic routier au financement de projets d’infrastructures relevant de l’ensemble des modes de transport ». Son budget rectificatif sur 2022 est de plus de 3,5 milliards d’euros. Ses recettes proviennent en partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), un versement des sociétés concessionnaires d’autoroutes, une part des amendes de radars automatiques et des dotations de l’État.
L’AFITF est une agence d’Etat peu connue. Son fonctionnement a régulièrement été pointé du doigt par la Cour des comptes. En 2016 par exemple, l’institution évoquait une « quasi une coquille vide », « n’ayant dans les faits aucune autonomie décisionnelle ». » Aucun administrateur n’a émis un vote négatif sur une seule des quelque 600 conventions proposées à l’approbation du conseil au cours des dix dernières années. »
Pis encore, l’AFITF est décrite comme un « moyen de s’affranchir des principes du droit budgétaire » qui a un « rôle limité à celui de caisse de financement, gérée de facto par la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère des transports ». La majorité du budget de l’AFITF qui provient de ressources fiscales versées par l’État est ainsi reversé à l’État, échappant à tout contrôle parlementaire de la loi de finances.
Les dossiers qui attendent le nouveau président sont nombreux. L’AFITF est en effet chargée de financer les infrastructures routières, ferroviaires, fluviales ou portuaires en France. « Tantôt on me présente comme un fervent défenseur du train, ce qui est exact et revendiqué, et tantôt comme un chaud partisan de la route. Je pense qu’il faut les deux », a assuré Jean Castex devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Il a aussi rappelé lors de sa nomination son « goût ancien et bien ancré pour les transports », notamment les trains. Il avait notamment, durant son passage à Matignon, multiplié les inaugurations de petites lignes, les signatures de projets de liaison à grande vitesse, les réouvertures de trains de nuit, allant jusqu’à dormir lui-même dans un Paris-Nice.
La disparition des petites lignes régionales est d’ailleurs une source de polémiques. Lors de son audition devant les parlementaires, Jean Castex a assuré qu’il s’agissait d’un sujet prioritaire et sur lequel l’état avait triplé les moyens financiers engagés sur la période 2020-2022. Il avait aussi donné comme ligne directrice d’investir massivement dans le ferroviaire pour décarboner les transports, mais sans oublier la route, essentielle « pour désenclaver les territoires ».
Jean Castex est par ailleurs l’un des grands artisans de la résurrection des projets de lignes à grande vitesse dans le Sud-Ouest. Il avait annoncé le 27 avril 2021 que l’Etat débloquerait 4,1 milliards d’euros pour le GPSO (Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest) qui doit notamment relier via la LGV (ligne grande vitesse) Bordeaux à Toulouse et Dax. Il devra aussi défendre les LGV Bordeaux-Lyon ou Montpellier-Perpignan.
La position du nouveau patron de l’Agence de financement des infrastructures sera sans doute un délicat équilibre entre le train et la route mais il y a hélas fort à parier que le fluvial sera le parent pauvre des projets. C’est d’autant plus dommage que la France peut s’enorgueillir de disposer de canaux et de voies navigables qui pourraient permettre de faire baisser la facture carbone de bien des marchandises et que la France doit réduire de 10% ses consommations de carburant, gaz et électricité d’ici à 2024, par rapport à 2019. Le transport de marchandise via les voies navigables émet selon les études 2 à 4 fois moins de CO2eq (équivalent CO2) que le transport routier. Les plus anciennes péniches ne sont « que » deux fois moins énergivores que les camions (les plus récentes jusqu’à 4 fois moins), le ferroviaire est le champion de l’économie d’énergie mais, le transport routier, par sa souplesse et sa rapidité garde la cote chez les transporteurs.
Il est certains que des choix devront être faits et que des investissements massifs vont être nécessaires. En mars dernier le conseil d’orientation des infrastructures (COI) a remis au gouvernement son rapport sur le « bilan et perspectives des investissements pour les transports et les mobilités ». Il faut, écrit-il au moins 200 milliards d’euros d’investissements sur dix ans « pour se remettre au niveau des autres pays européens ».