Le Royaume-Uni a déployé le 31 janvier dernier les contrôles aux frontières sur les produits agricoles et alimentaires importés de l’Union européenne. Ce système très redouté, dit « Border Target Operating Model » va bouleverser le quotidien des entreprises exportatrices.
Après cinq reports liés aux craintes d’effets d’entraînement sur la croissance et l’inflation, le Royaume-Uni a donc entamé la mise en œuvre du contrôle aux frontières post-Brexit sur les produits alimentaires, végétaux et animaux importés de l’Union européenne.
Le système fonctionne pour l’instant essentiellement sous forme documentaire : les opérateurs doivent présenter à la frontière britannique des certificats d’importation sanitaires et phytosanitaires. Le gouvernement de Rishi Sunak prévoit en effet l’entrée en vigueur des contrôles physiques à partir de fin avril prochain seulement.
S’il est mis en œuvre aujourd’hui, le système était prévu dans son principe depuis la sortie du pays de l’Union européenne, devenue effective le 31 janvier 2021 à minuit. La longue période écoulée depuis n’a pas apaisé les craintes des professionnels. « Plus de 70% de nos entreprises sont très préoccupées par l’impact de ces changements », selon Marco Forgione, directeur général de l’Institut des exportations et du commerce international qui représente les importateurs britanniques.
De fait, selon les estimations du Gouvernement, le coût additionnel annuel pour les entreprises s’élève à 330 millions de livres (387 millions d’euros) par an. En terme d’inflation, l’impact, toujours selon les pouvoirs publics, devrait être de 0,2 point sur trois ans. Ce à quoi s’ajoutent les complications logistiques, plusieurs organisations professionnelles européennes ou britanniques craignant le nombre insuffisant de points de contrôle aux frontières ainsi qu’un manque de capacités vétérinaires au sein de l’Union européenne. Un point critique, car le Royaume-Uni importe 22 % de sa viande de bœuf et la moitié de sa viande de porc, pour l’essentiel en provenance des 27.
Dans le détail, le système, auquel le gouvernement a dédié une page web de ressources classe les produits végétaux et animaux en provenance de l’Union en trois groupes de risque : élevé, moyen et faible. Les produits végétaux et carnés jugés à risque moyen et élevé nécessitent désormais des certificats sanitaires complets (sept pages) avant de pouvoir entrer au Royaume-Uni. Les produits à risque élevé comprennent les végétaux destinés à la plantation, certaines graines, les tubercules et les animaux vivants. La catégorie à risque moyen couvre notamment les fleurs coupées, les boutures, ainsi que la viande, le lait non pasteurisé, les œufs et certains poissons. Les produits à faible risque (fruits et légumes, viandes transformées, fromage à base de lait pasteurisé…) seront exemptés de documentation approfondie.
Les contrôles physiques cibleront en priorité les marchandises à risque moyen et élevé. Ces contrôles auront lieu à des postes frontaliers désignés, à savoir pour l’essentiel des extensions d’installations existantes qui contrôlaient déjà les produits de pays tiers dans les ports ou les aéroports.
A noter toutefois, au vu de l’importance de ce nœud logistique, qu’une installation dédiée a été construite à Sevington (Ashford) près de Douvres pour un coût de 147 millions de livres sterling (172 millions d’euros). Après la phase de rodage, un nouveau changement majeur interviendra en octobre 2024 avec la mise en œuvre de l’obligation de déclarations de sécurité pour les produits à risque moyen et élevé.
Par ailleurs, l’une des dispositions du Border Target Operating Model consiste à introduire un modèle d’autorité déléguée pour les contrôles des produits végétaux. Ce système permettra aux négociants éligibles de gérer leurs propres risques. Cette approche appelée « Statut d’opérateur agréé » (Authorised Operator Status ou AOS) doit être mise en œuvre par étape d’ici à juin 2025.
Le gouvernement français a mis à disposition plusieur pages d’information à destination des exportateurs, notamment le ministère de l’Agriculture ou encore le ministère de l’Economie via son portail dédié au Brexit
A noter que la mise en place du système met fin à une forme de distorsion, car les producteurs britanniques étaient soumis depuis trois ans aux contrôles européens, tandis que les exportateurs des 27 continuaient d’avoir un accès sans barrière au marché britannique.