Amélioration des conditions de financement ou encore mise en place volontariste de filières de valorisation des métaux et autres matériaux critiques font partie des pistes avancées par l’organisme des Nations unies.
Le continent africain affiche toutes les capacités pour devenir une des régions en pointe dans la high-tech ce siècle dans des domaines comme les panneaux solaires ou encore les batteries de dernière génération. Telle est la conclusion, résolument optimiste, de l’étude « Les chaînes d’approvisionnement mondiales à forte intensité technologique : le potentiel de l’Afrique » publiée mi-août par la Cnuced (Conférence des nations unies pour le commerce et le développement).
« Forte de l’abondance de ses ressources et d’un marché de consommation en pleine expansion, l’Afrique peut devenir une destination manufacturière de premier plan pour les industries à forte intensité technologique et un maillon essentiel des chaînes d’approvisionnement mondiales », estime ainsi l’organisation des Nations Unies. De quoi créer des millions d’emplois, appuie Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED.
Parmi les pistes, l’étude cite notamment l’exemple de l’automobile (à l’image de ce qu’a réussi, tout comme dans l’aéronautique, le Maroc) les téléphones portables, les panneaux photovoltaïques ou encore les produits pharmaceutiques. Les batteries de dernière génération font également partie des pistes à explorer. A ce titre, on estime que 40% des réserves de métaux et autres matériaux critiques pour la transition énergétique (aluminium, cobalt, cuivre, lithium, manganèse…) sont enfouis dans le sous-sol africain. Encore faut-il mieux les transformer.
Pour développer les industries technologiques sur le continent, plusieurs conditions seront nécessaires et sont pointées par le rapport rendu public à Nairobi le 16 août dernier, à commencer par l’environnement des affaires. La Cnuced appelle ainsi les gouvernements « à élaborer des politiques judicieuses, à favoriser un environnement réglementaire propice et à développer des programmes visant à promouvoir l’adoption généralisée de ces technologies ».
L’organisation internationale réitère également son appel aux bailleurs publics et privés en faveur de meilleures solutions de financement afin d’offrir aux pays et aux entreprises d’Afrique des capitaux à taux abordables pour investir dans le renforcement des chaînes de valeur. Selon le rapport, la valeur du marché africain du financement des chaînes d’approvisionnement a augmenté de 40 % entre 2021 et 2022, atteignant 41 milliards de dollars. Mais cela ne suffit pas. A ce titre, l’importance du financement du segment des PME, à même de créer un tissu industriel riche dans les économies africaines est particulièrement mis en avant par le rapport.
La responsabilité du sous-financement chronique des économies du continent n’est toutefois pas du seul ressort des financeurs. « Le continent peut mobiliser davantage de fonds en éliminant les obstacles au financement des chaînes d’approvisionnement, notamment les défis réglementaires, la perception des risques élevés et l’insuffisance de renseignements en matière de crédits », indique le rapport qui rappelle par ailleurs la nécessité d’un allègement de la dette. Ceci pour offrir aux pays plus de marge de manœuvre budgétaire leur permettant d’investir dans leurs chaînes de valeur.
Parmi les autres conditions possibles, la Cnuced avance également un des verrous bien connus au développement de l’industrie, à savoir les infrastructures. » L’Afrique a besoin d’investissements importants dans les infrastructures pour renforcer sa position en tant que destination de la chaîne d’approvisionnement », martèle ainsi l’étude. Mais l’une des conditions majeures avancées est la nécessité pour les Etats de mieux valoriser leurs ressources naturelles, notamment par le biais de réglementations contraignant les opérateurs à davantage de transformations locales. Dix-sept pays africains, dont l’Angola, le Botswana, le Ghana et l’Afrique du Sud, ont déjà pris des mesures en ce sens, rappelle d’ailleurs le rapport. Il s’agit aussi pour les Etats de mieux négocier de meilleurs contrats miniers et licences d’exploration pour les métaux critiques utilisés dans les chaînes d’approvisionnement technologique. « Cela renforcerait les industries nationales, en permettant aux entreprises locales de concevoir, d’acheter, de fabriquer et de fournir les composants nécessaires », estime la Cnuced. Un vœu qui résonne avec les réflexions et les initiatives récentes, par exemple, en RD Congo et Zambie sur la création d’une filière batteries.
A ce titre, la Cnuced livre un exemple, « la production de précurseurs de cathodes (oxydes de nickel-manganèse-cobalt), [un des ] principaux intrants nécessaires [aux] composants de batteries, peut contribuer à accroître la (…) valeur ajoutée dans le secteur des batteries et à renforcer l’intégration des pays d’Afrique dans les chaînes d’approvisionnement des téléphones portables et d’autres produits électroniques ». Selon la Cnuced, « une usine de précurseurs d’une capacité de 10 000 tonnes en RD Congo coûterait 39 millions de dollars, soit trois fois moins que dans un pays où les métaux requis ne seraient pas disponibles localement ».
Enfin, l’adoption de technologies numériques innovantes est essentielle, selon l’organisation des Nations Unies pour développer les chaînes d’approvisionnement. « Des pays comme le Kenya ont fait des progrès notables dans ce domaine », relève la Cnuced.
On notera enfin que, curieusement, le rapport met assez peu l’accent sur la formation technologique et scientifique, levier pourtant essentiel pour un grand bond en avant dans les industries de pointe.