Sous l’égide d’Afreximbank et des Nations Unies, la RD Congo et la Zambie veulent créer des zones économiques spéciales pour produire des composés chimiques pour batteries. Le lithium manque encore à l’appel en dépit des ressources existantes, mais non encore exploitées.
Ne pas rester à l’écart du boom mondial des batteries électriques dont une bonne partie des composants proviennent du secteur extractif africain… Telle est la stratégie de plus en plus affirmée des dirigeants politiques et économiques de la RD Congo. Une nouvelle pierre, sur le long chemin qui reste à parcourir, vient d’être posée avec un projet qui associe la RD Congo et la Zambie.
Cet accord-cadre a été signé avec la banque multilatérale panafricaine Afreximbank et la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), le 27 mars dernier à Kinshasa, en présence d’officiels dont le Premier ministre kino-congolais, Jean-Michel Sama Lukonde. Il prévoit la réalisation des études techniques et économiques de faisabilité pour la création de Zones économiques spéciales (ZAE) frontalières vouées à la production de batteries en RD Congo et en Zambie. Les deux pays avaient déjà pour rappel signé, fin avril 2022, sous l’égide des présidents Félix Tshisekedi et Hakainde Hichilema un accord de coopération qui se matérialise ainsi.
Concernant ce nouveau projet, le développeur d’infrastructures Arise IIP conduit par Gagan Gupta, et détenu par le fonds Africa Transformation and Industrialization Fund (ATIF), basé aux Émirats Arabes Unis, a été choisi comme consultant technique pour conduire l’étude de pré-faisabilité de ces ZES. Afreximbank a débloqué 750 000 dollars pour financer cette phase préliminaire.
Une fois les études réalisées, en principe en août 2023, le projet prévoit la mise en œuvre des zones transfrontalières à travers la création par Afreximbank et la CEA d’une société d’exploitation (OpCo). Celle-ci devrait associer des investisseurs publics et privés nationaux et internationaux, dont la plateforme financière d’investissement FEDA (Fonds pour le développement des exportations en Afrique) d’Afreximbank.
La fabrication mondiale de batterie lithium est contrôlée à plus de 90% par trois pays asiatiques, la Chine avec ses champions CATL ou BYD, la Corée du Sud (LG Chems, Samsung…) et le Japon (Panasonic). Un état de fait qui rend ardu, à court et moyen terme, l’irruption de nouveaux acteurs, comme le montre la difficulté de l’Europe ou des États-Unis à se faire une place dans le concert mondial.
Mais les pays africains producteurs de ressources minières comme la RD Congo et la Zambie pourraient avoir une carte à jouer en amont, dans la fabrication de certains composés chimiques, aussi appelés précurseurs, utilisés dans les batteries… un marché que dominent également les groupes asiatiques, à quelques exceptions près comme Umicore en Europe.
Hormis les investissements industriels, cet objectif passe donc par un important effort de formation et de R&D. En ce sens, l’accord sur les ZES s’appuie sur la création en coopération avec la CEA d’un « Centre d’excellence pour la recherche avancée sur les batteries » en RD Congo. Ce centre situé à Lubumbashi et abrité par l’Université de Lubumbashi (UNILU) a été lancé le 22 avril 2002 par le ministre congolais de l’Industrie Julien Paluku Kahongya.
Il intègre notamment une coopération avec le Steinbeis Global Institute (SGIT), qui fait partie de l’Université Steinbeis de Berlin, la plus grande université privée allemande. Ce projet de montée en compétences associe également l’Université de Zambie et l’Université de Copperbelt (Zambie).
Du côté des ressources, la Zambie et la RD Congo assurent au plan mondial la production de 70 % du cobalt et 10 % du cuivre, mais pas encore de lithium, l’élément le plus critique et le plus coûteux des batteries. A ce titre, la RD Congo table sur le développement du projet dit « Manono », encore au stade du développement. Conduit par le groupe australien AVZ Minerals, cette ancienne mine d’étain située dans la province orientale de Tanganyika recèlerait 400 millions de tonnes de minerais exploitables (1,65% de lithium). En 2022, AVZ a été rejoint sur Manono par Suzhou CATH, une filiale de CATL qui a misé 240 millions de dollars dans le projet. Mais Manono vient d’être remis en cause, en début d’année, par une suspension du permis d’AVZ par les autorités congolaises, sur fonds de désaccords juridiques avec la société publique Cominière et un de ses partenaires, Zijin qui ont des vues sur ce gisement.
Selon les chiffres de l’administration américaine (USGS), en termes de ressources (réserves non confirmées), en Afrique la RD Congo recèlerait 3 millions de tonnes de lithium devant le Mali (840 000 tonnes), le Zimbabwe (690 000 tonnes), la Namibie (230 000 tonnes) et le Ghana (180 000 tonnes). Des chiffres bien en deçà de ceux du trio latino-américian Bolivie, Chili, Argentine qui cumuleraient, à eux seuls, plus de 50 millions de tonnes de ressources. Pas de quoi décourager, toutefois, les velléités congolaises. D’autant que face aux opérateurs chinois notamment, les Etats-Unis veulent aussi jouer leur carte dans la région. A l’occasion du sommet Afrique – Etats-Unis du 13 décembre 2022 à Washington, l’administration américaine avait signé un protocole d’accord avec la RD du Congo et la Zambie pour renforcer la chaîne de valeur des batteries.