Après une année d’adaptation, les procédures douanières liées au Brexit vont être complètes car c’est au tour des Anglais de mettre en action les contrôles douaniers. La douane française, qui avait été extrêmement souple en 2021, va de son coté devenir plus stricte sur les procédures de gestion des flux.
A l’occasion de la 4ème édition du SYMPOSIUM DOUANE organisé le 3 février dernier à Paris par CLASSE EXPORT on a pu refaire le tour du serpent de mer que représente le Brexit avec l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations.
Pour 2021, la procédure anglaise était ultra-simplifiée, voire même inexistante. Après ces 12 mois d’adaptation, le Royaume-Uni a réussi à mettre en place un système à l’exportation assez fluide même si ce dernier a tout de même rencontré des difficultés pour sa mise en marche. Pendant les 4 premiers jours 30% des camions n’ont pas pu traverser la frontière et les marchandises ont été retournées à l’expéditeur.
Il aura fallu un an aux anglais pour mettre en place le dispositif lié à l’importation des marchandises dans leur pays. La procédure mise en place dont le nom est « GVMS » est en réalité l’équivalent de la procédure européenne appelée « SI Brexit », mais avec des modalités de mise en œuvre légèrement différentes. « En Europe le « SI Brexit » est une interface neutre entre les systèmes d’information de la douane et celui des transporteurs. » explique Jean Michel Thillier le Directeur des Douanes Nord de France et référant Brexit pour la Douane. « Dans le système britannique il y a un enregistrement préalable nécessaire auprès de l’administration pour que le transporteur puisse éditer le fameux code à barre GMR qui est le sésame afin de pouvoir passer la frontière sans contrôle. »
« Le contenu du GMR (code a barre) est aussi différent car un peu plus sévère que la procédure européenne et plus responsabilisant pour les chauffeurs. »
Les Anglais demandent également une déclaration de sécurité pour les camions vides, ce qui est loin d’être négligeable car 50% des camions dans le sens Grande Bretagne France sont dans ce cas. Le Royaume Unis représente l’un de nos plus gros excédent en matière de commerce extérieur et avec le Brexit cela s’est encore accentué.
« Depuis un an, des points d’alerte sont soulevés en France. Plusieurs marchandises ont du faire demi-tour, et au moment de l’embarquement tous les titres ne sont pas donnés. On se retrouve ensuite avec des demandes de régularisation. Il faut donc renforcer la communication à l’attention des exportateurs pour que les consignes puissent passer car dans un camion il peut y avoir l’équivalent de 10 à 100 déclarations. Si l’exportateur n’est pas en mesure de fournir tous les documents demandés et son autorisation de sortie, il se retrouve en position de faiblesse. »
En matière sanitaire, l’UE s’est vu refuser un accord de reconnaissance mutuelle car le RU n’a pas voulu appliquer la réglementation en matière douanière et sanitaire comme l’ont accepté d’autres pays tiers comme la Suisse et la Norvège. Il n y a donc pas d’accord de reconnaissance et cela implique la perception d’une redevance sanitaire sur les déclarations de douanes qui se font à la main.
Face à ces difficultés, Claire Fournier, responsable de développement international chez CONEX, également présente lors du SYMPOSIUM DOUANE, nous apporte des éléments de réponses sur les aspects techniques présents dans le système britannique. « Avant la mise en place de ces nouvelles procédures au 1er janvier 2022, les douanes britanniques n’avaient imposé aucune déclaration en frontière au premier jour du Brexit, ayant autorisé une régulation des importations jusqu’à 6 mois après l’arrivée des marchandises sur leur territoire. Le module douanier britannique actuel, « CHIEF », est un programme vieillissant, ne répondant pas toujours aux nouvelles obligations. Aujourd’hui les échanges se compliquent pour les opérateurs économiques avec la mise en place d’une frontière intelligente britannique à travers le système « GVMS » qui devrait apporter de la fluidité dans les passages en frontière » En effet, depuis ce début du mois, les Britanniques réclament un « GMR », un sésame en quelque sorte, pour faire entrer ou sortir les marchandises de leur pays. Ce dispositif permet de contrôler à l’avance que les règles britanniques ont bien été respectées et donc de faciliter la circulation des deux côtés de la frontière.
Au 1er juillet, une mesure douanière sera mise en œuvre au RU. Il s’agit de « S&S GB », un dispositif sécurité sûreté anticipé développé par ce pays pour s’écarter des standards européens. À cette même date, des formalités sanitaires et phytosanitaires plus strictes s’étaleront jusqu’au 1er semestre. Les Britanniques utilisent également « IPAFFS », un système dédié à l’importation des marchandises SPS qui nécessite qu’on soit établi au RU ou que l’on ait un représentant au RU, ce qui complique l’exportation des marchandises SPS issues de la France. Autre mesure prévue chez les britanniques : l’arrêt d’infinitif de « CHIEF » en deux temps à partir du 30 septembre. Il sera définitivement remplacé par « CDS » (Customs Declaration Service).
« Toute cette période de turbulence montre bien que le Brexit n’est pas terminé et qu’on est toujours au milieu du gué puisque les britanniques ont multiplié par 5 leurs déclarations en douane. Avant le Brexit, 80% des déclarations étaient établies grâce à une autorisation de déclaration simplifiée dans le cadre de la « CFSP », maintenant ce n’est plus le cas, nous sommes dans un contexte de déclarations de droit commun, au coup par coup. »
Malgré la création de ce système britannique, on remarque un manque de professionnalisme considérable chez les anglais puisque ces derniers ont été récemment formés et cela entraine des problématiques au niveau de la gestion en plus des retards. A cela s’ajoute les problèmes au niveau de la TVA causés par le manque de preuve d’exportation lors d’une opération des douanes avec le territoire britannique. Force est de constater que le système anglais a encore du chemin à faire malgré sa « fluidité ».