La France ne produit que le quart des vélos vendus sur son territoire. Un rapport, commandé par le Premier ministre, préconise de reconstruire les fondements d’une industrie de la bicyclette, avec plus de 100 000 emplois à la clé.
La remise de ce rapport rédigé par Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne, intervient à mi-parcours du « Plan vélo et mobilités actives » porté par le Gouvernement depuis septembre 2018, qui vise à tripler la part du vélo en France à l’horizon 2024. Quatre grands axes sont développés dans cette étude :
* Le constat d’un usage du vélo en pleine révolution ;
* Le besoin de répondre à une demande croissante de vélos, qui est un enjeu industriel autant qu’un enjeu de souveraineté ;
* La définition d’une économie du vélo qui intègre une économie du service, de la logistique et du tourisme ;
* Le besoin de poursuivre la levée des freins à la pratique du vélo.
Après avoir rencontré plus d’une centaine d’acteurs industriels et économiques et visité de nombreux sites, l’élu dit croire à « une nouvelle histoire économique » basée sur le vélo. Son optimisme provient, en premier lieu, du constat d’un changement des usages. « Pour de plus en plus de Français, le vélo devient un mode de déplacement du quotidien ». Crise sanitaire, création de nouvelles pistes cyclables, un coût de l’énergie au plus haut… le vélo est bon pour l’environnement, pour la santé et pour les finances des particuliers et des entreprises.
Seulement voilà, malgré une histoire industrielle forte du vélo, dans un secteur très fortement dépendant de l’Asie depuis plusieurs décennies, produire en France plus de vélos est un véritable enjeu industriel. Aujourd’hui, sur les 2,685 millions de vélos vendus en France, seuls 690 000 y sont assemblés. Conséquence, un manque à gagner pour l’économie au moment où la balance commerciale est au plus mal. « L’essentiel de la centaine de pièces qui composent un vélo vient actuellement d’Asie. Plus aucune entreprise en France ne fait de la fonte d’aluminium pour le vélo. Aujourd’hui nous ne savons même plus construire un dérailleur. « Plutôt que de commander séparément en Asie, il y aurait un intérêt à s’organiser pour produire ensemble. »
En outre, ce besoin arrive au moment où le vélo connaît des évolutions technologiques majeures avec le développement du vélo à assistance électrique (VAE) et du vélo cargo. Entre 2019 et 2021, le nombre de VAE vendus est passé de 400 000 à 700 000 et il devrait s’en vendre plus d’un million par an d’ici 2025.Pour reconstruire cette industrie, Guillaume Gouffier-Cha fait une série de propositions au Premier ministre.
Le rapport plaide pour qu’on renaisse en laissant le bas de gamme à qui en voudra, et en nous positionnant sur le moyen et le haut de gamme. Le député insiste aussi sur l’investissement dans l’innovation. « Le vélo est une technologie qui évolue en permanence. Il est de plus en plus électrifié et connecté. Il est capital que notre industrie du vélo ait la maîtrise de ces nouvelles technologies ».
Selon ce rapport il est nécessaire : d’investir dans le développement et la modernisation des usines, d’investir dans les outils de production, d’investir dans la coopération entre les différents acteurs de la filière vélo ainsi que les échanges avec les acteurs d’autres filières afin de créer des partenariats de production de composants, comme avec la filière automobile ou la filière aéronautique par exemple. « Plusieurs acteurs participent aujourd’hui à la création de ces ponts, comme SEB (qui construit le vélo « ultra-connecté ») ou bien Valeo (qui lance un moteur électrique innovant) », se félicite l’élu.
L’économie du vélo est un exemple parmi d’autres des erreurs de la politique de désindustrialisation que nous avons menée au cours des cinquante dernières années et des perspectives nouvelles qui s’ouvrent à nous aujourd’hui. Mais l’enjeu économique du développement du vélo ne se limite pas au défi industriel. L’écosystème du vélo est divers et comprend aussi les secteurs des services, de la réparation et de la maintenance (le rapport préconise une meilleure formation des réparateurs afin de monter en compétence et « rendre la réparation rentable ») de la cyclologistique et du vélo tourisme (important maillon faible: l’emport des vélos dans les trains).
Ces évolutions reposent notamment aussi sur l’infrastructure, dont les lacunes sont soulignées. Ni le tourisme ni le commerce, et donc l’industrie, ne peuvent vivre s’il n’y a pas de cyclistes. Il faut aussi simplifier les aides, et les faire durer. Il faut assumer des mesures incitatives fortes, telles qu’aides à l’achat, forfaits d’entreprises, aides aux communes, et il faut surtout les harmoniser et les rendre compréhensibles et pérennes.
Guillaume Gouffier-Cha souligne les enjeux du réemploi des matériaux et des pièces, de la remise dans le circuit des vélos abandonnés, de la réparation des batteries, et en appelle pour cela au secteur de l’insertion et de l’économie sociale. Il souhaite également l’application d’un indice de réparabilité. « L’extension en 2022 de la responsabilité élargie du producteur (REP) aux articles de sport va conduire à des changements importants de conception chez les fabricants qu’il faut accompagner, dans un contexte de pénurie de matières premières », estime le rapport. Ce dernier prône la standardisation de certains composants, et notamment des chargeurs et batteries de VAE. Pour se protéger de la concurrence déloyale, M. Gouffier-Cha souligne également la nécessité de maintenir les mesures anti-dumping européennes, qui ont permis d’éviter que le marché européen ne soit complètement submergé par la production asiatique, en particulier chinoise. Il appelle également de ses vœux la mise en place d’une taxe carbone aux frontières, qui se trouve être au programme de la présidence française de l’Union européenne.
Enfin la production de vélo en France, qui est écologiquement et socialement plus vertueuse, doit être reconnue à travers la mise en place d’un label France Vélo et la structuration d’un marché de seconde main.
Un nombre important d’emplois pourraient y être créés dans les prochaines années. Si la filière industrielle représente 4 000 emplois en 2021, elle pourrait monter à 20 000 dans les dix ans, 45 000 à l’horizon 2050, et selon M. Gouffier-Cha, plus de 100 000 emplois d’ici à 2050. « le vélo est un secteur d’emploi en plein boom » indique le rapport.
Pour le député rapporteur le vélo est un combat économique et social. Reste à transformer ces préconisations (63 propositions – 82 pages) en actes. Vous pouvez lire la synthèse du rapport ici.
Autres chiffres clés :
120 entreprises spécialisées dans l’industrie du cycle
707€ Prix moyen d’ un vélo – en augmentation de 25% depuis 2019
5 millions – Estimation du nombre de vélos vendus en 2030 contre 3 millions aujourd’hui