Il y a quelques jours, une équipe de chercheurs du California Institute of Technology a franchi une étape révolutionnaire en transmettant de l’énergie solaire directement depuis l’espace vers la Terre offrant ainsi une source d’électricité propre et constante. En Suède récemment, des chercheurs de l’université d’Uppsala ont réussi à atteindre un rendement de conversion énergétique de 23,64 %, en utilisant une cellule solaire CIGS (cuivre, indium, gallium, sélénium), une avancée majeure qui propulse les cellules solaires CIGS suédoises au sommet de la performance. Au même moment, des chercheurs de l’Institut coréen de recherche énergétique ont établi un nouveau record mondial pour l’efficacité d’une cellule solaire semi-transparente qui pourrait un jour permettre de concevoir des panneaux solaires efficaces pouvant être intégrés directement dans la construction des bâtiments, en faisant office de fenêtres ou de murs.
Malgré ces trois exemples l’innovation chinoise continue tout de même de mener la danse sur le marché mondial du photovoltaïque. Alors qu’en France plusieurs projets de production de cellules et de modules solaires ont été annoncés pour 2025 à 2027, l’innovation technologique continue d’être dominée par les Chinois qui ne sont plus depuis longtemps uniquement des exécutants mais misent au contraire, tout autant que nous, sur la R&D en intégrant même leurs laboratoires de recherche au sein de leurs usines de production facilitant ainsi l’intégration des nouveaux produits dans les process. Le pays du Soleil Levant n’est pas le seul à tirer son épingle du jeu. L’Inde, la Corée du Sud ou les Etats-Unis mènent aussi la bataille. Parallèlement, des acteurs importants du photovoltaïque agonisent en Europe avec des faillites en Autriche ou aux Pays-Bas, des licenciements en Norvège et même en France.
Face à une demande en plein essor et à une puissante concurrence internationale, l’Union européenne rêve de renaitre de ses cendres. L’entreprise Photowatt à Bourgoin-Jallieu (Isère) a été le premier fabricant mondial de cellules photovoltaïques, mais malgré des débuts prometteurs dans les années 1990, la filière européenne a connu un déclin, principalement en raison de l’absence de stratégie industrielle cohérente. Les gouvernements ont essayé de stimuler la demande pour ces produits en encourageant les particuliers à les acheter sans pour autant investir suffisamment dans les usines qui les fabriquent. La situation s’est détériorée à la fin des années 2000 en raison d’une absence de réflexion sur le volet industriel mais aussi de l’absence stratégique d’investissements massifs privés et publics, en France et en Europe. Les 27, jadis précurseurs en matière d’énergie solaire, se retrouvent alors à se fournir auprès de Pékin, qui investit de son côté massivement dans la filière. Aujourd’hui les firmes chinoises fournissent plus de 70 % de la production des modules à l’échelle mondiale et le pays interdit même l’exportation de certaines technologies pour maintenir son avantage compétitif, notamment dans le secteur des panneaux solaires.
Même si dès 2022, à travers le plan #RePowerEU2, les européens ont déjà débloqué des centaines de millions d’euros, avec la guerre en Ukraine, l’Europe et la France se sont aperçues que, du jour au lendemain, les chaînes d’approvisionnement mondiales pouvaient être coupées. Face à cet électrochoc, il est apparu nécessaire de réindustrialiser pour sécuriser nos approvisionnements. La France ne part pas d’une page blanche et compte mettre en avant ses atouts.
Début février 2024, les négociateurs européens se sont mis d’accord sur le projet de règlement pour une industrie « zéro net ». Concrètement, il prévoit que les Etats membres mettent en place au minimum 30 % d’appels d’offres avec des composants dont les productions sont situées sur le territoire européen. Côté entreprises, alors que la plupart des acteurs industriels européens sont des firmes de petite taille, qui produisent une partie des composants ou réalisent de l’assemblage, en France, quelques entreprises (Photowatt, Systovi, Voltec Soltar, etc.) tentent d’intégrer autant d’étapes de la production d’un panneau que possible. A Hambach (Moselle) doit voir le jour l’une des deux premières « giga-factories » françaises de panneaux photovoltaïques d’ici à 2025 « Europole 2 ». Le coût du projet s’inscrit dans une fourchette de 700 à 800 millions d’euros financés par des actionnaires européens. Egalement en Moselle, à Sarreguemines, l’usine « HoloSolis » (avec son laboratoire de recherche sur les cellules 2T) se rêve devenir la plus grosse usine européenne produisant des panneaux et des cellules photovoltaïque.
En matière de photovoltaïque l’Europe a donc aujourd’hui une carte à jouer. Certes, on note un ralentissement lié à l’inflation et à la concurrence chinoise mais, avec le changement climatique, la demande en photovoltaïque progresse partout dans le monde et cette augmentation va se poursuivre. Selon de nombreux experts le marché connaît une croissance gigantesque calculée entre 20 et 30 % de croissance annuelle. Les gains ne sont pas seulement industriels, il s’agit aussi d’un enjeu politique, social et écologique. Relocaliser 30 % des nouvelles capacités de production en Europe permettrait d’éviter entre 30 et 45 mégatonnes (Mt) de nouvelles émissions de CO2 importées pour la France d’ici à 2030.