Les pays du Maghreb sont eux aussi touchés fortement par le Covid-19. Si la situation de chacun de ces pays est différente, la mise en place du confinement engendre un accroissement des inégalités notamment pour ceux qui ne sont pas déclarés et qui gagnent leur vie au jour le jour.
Le risque sanitaire qui est plus ou moins maîtrisé passe presque au second plan par rapport au risque social qui émerge et qui peut faire beaucoup de dégâts.
A Alger de très nombreux barrages de gendarmerie ont fleuri sur les grands axes depuis le 4 avril, date du confinement général du pays. Confinement décidé tardivement, mais qui a été guidé par l’augmentation importante du nombre de décès par Covid, officiellement plus de 340 morts.
En Tunisie dans une classe politique tunisienne plutôt divisée, la situation sanitaire n’est pas encore explosive, mais le système de protection social n’incite pas les Tunisiens pauvres à venir se présenter à l’hôpital. Le risque tunisien est donc plutôt un risque social. La prorogation des mesures de confinement dont l’application est très stricte a engendré de nombreuses arrestations. De ce fait, la fermeture des commerces, la non-possibilité de faire des « petits boulots », mettent les chômeurs et l’économie grise dans le plus grand désarroi. Une mesure a été adoptée pour nourrir et donner un minimum vital aux 1,3 millions de chômeurs, et au moins autant de tunisiens non déclarés, soit au total entre 3 et 4 millions de personnes qui n’ont pas 250 dinars par mois pour se nourrir s’ils ne travaillent pas tous les jours, ce qu’ils ne sont plus capables de faire pour le moment. Résultat, ça chauffe dans les banlieues pauvres de Tunis et l’acheminement de l’aide d’urgence se fait attendre et les queues s’allongent.
Au Maroc, pays ou l’économie grise est la plus importante, des millions de Marocains se sont retrouvés du jour au lendemain incapables de nourrir leur famille. Le fonds spécial pour le Covid initié par le Roi Mohamed VI permet depuis le 10 avril dernier de distribuer l’équivalent de 100 euros aux chefs de famille sur la base de ceux qui sont inscrits au système d’assistance médicale du Royaume, l’équivalent de notre CMU en France. C’est 2 à 3 millions de personnes qui seront bénéficiaire de cette aide. Un effort financier important, mais qui ne touche pas tout le monde loin de là et le Royaume va devoir se pencher sur les oubliés du système qui sont assez nombreux.
Le constat général est la sensation d’avoir un système à deux vitesses, les riches, les fonctionnaires et ceux qui sont déclarés qui ont les moyens de subir le confinement, et les autres, les plus pauvres ou tous ceux qui sont dans l’économie informelle et qui n’ont pas de protection sociale. Ces deniers représentent une part très importante des individus puisque la Banque Africaine de développement estimait il y a 3 ans que 50 à 60% des emplois n’étaient pas déclarés.
Beaucoup dans ces pays craignent un soulèvement social. Ce qui explique sans doute pourquoi les mesures en Tunisie sont aussi draconiennes et pourquoi les barrages sont aussi nombreux en Algérie. « Il faut tenir la population, et ne pas laisser la porte ouverte a des débordements. »
Seul signe positif, le confinement va être rattrapé par le ramadan, qui commence vers le 23 avril ce qui peut être source d’apaisement, de pardon et de solidarité.