Début 2022, la ville de Lyon accueillera un service de logistique urbaine combinant transport fluvial et vélos à assistance électrique pour le « dernier kilomètre ». Un service qui pose la question du rôle du transport fluvial comme alternative au désengorgement de la route et des zones à faible émission. Medlink Ports est l’association chargée de redynamiser le transport fluvial et ferroviaire sur l’axe Méditerranée Rhône-Saône. Nous les avons rencontrés pour comprendre les enjeux d’aujourd’hui de la navigation en eau douce sur cet axe.
A l’heure où le prix des hydrocarbures explose, où le coût du fret maritime n’a jamais été aussi élevé, où les questions environnementales sont plus d’actualité que jamais, les enjeux autour du report modal prennent une dimension nouvelle.
En quelques chiffres, sur le bassin Rhône-Saône, le report modal fluvial représente environ 6% contre 15% en France sur certains secteurs. 10% des marchandises circulent via le ferroviaire, le reste par la route. Vincent Zurbach, chargé d’études chez Voies Navigables de France, assure que le taux de couverture de l’axe Méditerranée Rhône-Saône est inférieur à 50% et qu’il pourrait être deux fois plus utilisé. L’autoroute fluviale est donc sous exploitée, un constat que partage Mathieu Gleizes, délégué général de Medlink Ports. « On a des capacités d’import qui peuvent être doublées voire triplées sur l’ensemble de l’axe et sans investissements » explique-t-il.
Alors qu’est-ce qui bloque ? Le volume de marchandises sur l’axe notamment. En moyenne, six millions de tonnes traversent l’axe Méditerranée Rhône-Saône par an. Insuffisant, il n’attire pas les bateliers. Le volume de marchandises insuffisant est en partie lié à la stratégie de flux tendus des donneurs d’ordre et une désindustrialisation du bassin. Depuis 2017, l’offre maritime se dérègle, une crainte pour les acheteurs qui choisissent de se tourner vers ce qu’ils connaissent pour leur pré-post acheminement : le transport routier. Or, pour Mathieu Gleizes, « il ne faut pas vampiriser les camions acteurs du multimodal en premier et dernier kilomètre et il ne faut pas comparer les modes systématiquement mais raisonner par zones de pertinence. » En outre, « la fiabilité de la barge reste fiable, non accidentogène et arrive à l’heure. A noter que les deux opérateurs pour le transport de conteneurs présents sur l’axe Méditerranée Rhône-Saône, offrent un service de navette régulier, à raison de cinq départ semaine ».
Au-delà de sa fiabilité en termes de voyage, c’est sur ce levier écologique que souhaitent capitaliser les exploitants du fluvial.
LE TRANSPORT FLUVIAL, UN TRANSPORT VERT
Le transport fluvial compte bien surfer sur la vague verte pour générer de nouveaux flux. Michel Carvaillo, conseiller logistique chez Medlink Ports assure que la production de gaz à effets de serre est divisée par cinq par rapport au routier. Une barge de 110 mètres de long transporte en moyenne 130 à 140 conteneurs par voyage, pour un temps moyen de transport de 28 heures, Fos – Lyon Port Edouard Herriot. Même si un camion met entre 5 à 8 heures sur le même tronçon, il ne transporte qu’au mieux deux conteneurs par voyage. En effet, pour Michel Carvaillo, se tourner vers la barge ne relève pas d’une raison économique mais d’une volonté de diminuer ses émissions de CO2 et de particules fines.
Les acteurs du fluvial entreprennent donc une démarche de séduction auprès des chargeurs. Utiliser le ferroviaire et le fleuve plutôt que la route pour les longues distances. Un report modal a priori possible puisque les services sont en place et les aménagements sont faibles.
De la même façon, les ports de l’hinterland offrent davantage de souplesse que les ports maritimes, destinés à faire du transit rapide. « Sur un port intérieur comme Lyon, le conteneur bénéficie de sept jours de franchise, s’il est labellisé Medlink Ports » explique Michel Carvaillo.
CONTENEURS, PRODUITS DANGEREUX ET BTP : A L’ABORDAGE !
Pour attirer les bateliers et générer de nouveaux flux, les acteurs du fluvial misent sur les filières à fort potentiel. Le rapport Medlink Ports 2021 identifie plusieurs d’entre elles. D’abord, c’est le transport de conteneurs. En 2020, le trafic fluvial de conteneurs se situait aux alentours de 65 000 EVP (équivalent vingt pieds), qui représente 8% de part modale du volume généré par le bassin Fosséen. Or, le potentiel du trafic fluvial est estimé à 300 000 EVP pour 2030, indique le rapport. Le seul trafic des conteneurs fera gagner au territoire 60 000 tonnes équivalent CO2 et 23 millions de litres de carburant.
Cette marge de progression s’observe également dans d’autres secteurs porteurs : le bois, la chimie, le BTP, les céréales ou encore les matières dangereuses sont des filières identifiées à fort potentiel de développement. Le développement de filières industrielles, à l’image de Rhône Ciments, et l’implantation logistique bord à voie d’eau, augmentent les flux de matières premières sur le fluvial. Il s’agit également d’un enjeu en matière de sécurité dans la vallée du Rhône, où les axes routiers passent parfois au cœur des agglomérations.
SE REAPPROPRIER LE FLEUVE : UNE MISSION D’ENVERGURE
Finalement, les arguments sont nombreux pour Mathieu Gleizes et Michel Carvaillo. Plus vert, plus sûr, voire moins cher, le transport fluvial a de nombreux atouts. Le plus difficile reste peut-être le changement d’état d’esprit. Convaincre les chargeurs de repenser leur logistique n’est pas une mince affaire. Même si certains verdissent leur flotte et qu’une prise de conscience s’établit progressivement, pour beaucoup le pas vers le fluvial n’est pas encore fait. Medlink Ports compte également sur le soutien des pouvoirs publics pour faire évoluer l’offre de service. « Le service et la souplesse des ports représente une valeur ajoutée. De même que l’offre des ports doit être plus attractive donc plus regroupée » reconnait Mathieu Gleizes.
Medlink Ports s’attache désormais à rassurer sur la fiabilité du transport fluvial, en espérant bientôt voir débarquer les transporteurs vers le fluvial.