Assurées par les grands bailleurs de fonds, dont la Banque africaine de développement, ces nouvelles lignes de crédit visent à développer la production en pleine crise des prix alimentaires.
Plus de 220 millions d’euros pour la Côte d’Ivoire, 134 millions de dollars pour le Nigéria, 121 millions d’euros pour le Sénégal ou encore 500 millions de dollars pour l’Égypte, sans compter d’autres lignes de crédit au Zimbabwe, en Ethiopie ou en Gambie… Une véritable vague de financements et prêts concessionnels pour le secteur agricole et les filières alimentaires déferle depuis ces dernières semaines sur tout le continent.
Fournies par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), Afreximbank ou encore les agences nationales de donateurs comme USAid ou la JICA japonaise ou encore l’Europe, ces lignes de crédit mettront sans doute du temps avant de produire leurs effets sur les filières agricoles. Mais l’objectif est clair : il s’agit d’éviter à tout prix une crise généralisée des prix et des approvisionnements alimentaires du fait de la guerre en Ukraine. Celle-ci affecte, on le sait, les cours et la disponibilité des produits de base agricoles. Elle conduit tout autant à un envol des prix des intrants, engrais, produits phytosanitaires ou même semences améliorées. C’est d’ailleurs sur l’amont et la disponibilité, tout le long des filières, de ces produits intermédiaires, que porte une bonne partie des prêts, à l’image de la Côte d’Ivoire.
Les financements conjoints de la BAD (151,8 millions d’euros) et de la JICA (68,14 millions d’euros) doivent permettre au pays présidé par Alassane Ouattara d’augmenter sa production de riz, de maïs et de manioc par l’acquisition facilité et la distribution à prix réduit des intrants agricoles au profit des producteurs les plus vulnérables. Objectif : réduire ainsi la forte dépendance de la Côte d’Ivoire vis-à-vis des importations, anticipe la BAD. » Ces efforts vont permettre de générer une production additionnelle de 546 987 tonnes de maïs, 796 323 tonnes de riz, ce qui représente environ 20 % des importations du pays, mais aussi 1 008 373 tonnes de tubercules de manioc », assure Martin Fregene, directeur de l’Agriculture et de l’Agro-industrie à la Banque africaine de développement.
24 PAYS DÉJÀ SOUTENUS EN URGENCE PAR LA BAD
Ce programme en Côte d’Ivoire est une des traductions du programme de financement d’urgence dit « African Emergency Food Production Facility » doté de 1,5 milliard de dollars initié en mai dernier par la BAD. Au 15 juillet, la banque de développement basée à Abidjan et présidé par Akinwumi Adesina indique avoir déjà engagé 24 financements dans ce cadre : huit en Afrique de l’ouest, cinq en Afrique de l’est, six en Afrique australe, quatre en Afrique Centrale et un en Afrique du Nord pour un total de 1,13 milliard de dollars.
Pour rappel, le G7 lors de sa réunion de fin juin a promis de mobiliser 4,5 milliards de dollars (dont la moitié pour les Etats-Unis) additionnels pour la sécurité alimentaire, essentiellement en Afrique. Portant ainsi le total de ses soutiens à 14 milliards de dollars depuis le début d’année. L’Union européenne de son côté promet 314 millions d’euros avant la fin de 2022 fléchés vers sept pays de la zone sahélienne et de la région du lac Tchad : Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Mali, Mauritanie, Niger et Nigeria.
Qualifié de « choc sur les matières premières le plus important depuis les années 70 », par un expert de la Banque mondiale la situation actuelle va aussi amener les Etats africains à repenser totalement leurs politiques agricoles. Outre les actions à court terme, un renforcement des financements pour la digitalisation du secteur agricole, sa mécanisation ou encore la mise en place des plate-formes régionales de transformation ou logistiques figurent au menu des bailleurs de fonds. Sans compter le développement de la production des intrants.
DANGOTE OU L’OCP JOUENT LEUR PARTITION
Dans ce contexte, les acteurs privés jouent leur partition. Le géant marocain des phosphates OCP qui veut multiplier ses usines de mélange en Afrique a annoncé ce mois du juillet la mise à disposition de 500 000 tonnes d’engrais, DAP notamment, à prix réduit, voire gratuitement, dans différents pays africains dont le Rwanda. Quant au groupe nigérian Dangote, il avait inauguré, fort à propos, en mars dernier, une des plus grosses usines d’engrais azotés au monde. Ayant nécessité un investissement de 2,5 milliards de dollars, celle-ci affichera, à terme, une capacité de 3 millions de tonnes d’azote et d’urée. Plutôt bienvenu.