L’Etat de la Corne de l’Afrique vient d’inaugurer son premier parc éolien. Comme pour ses projets solaires et d’autres dans le dessalement, les pouvoirs publics ont résolument choisi la voie des PPP.
Djibouti passe à la vitesse supérieure dans l’électricité verte. Le 10 septembre dernier, le président Ismail Omar Guelleh a inauguré la première ferme éolienne du pays. Située sur les bords de la baie maritime dite lac Goubet, à 120 km à l’est de la capitale, celle-ci affiche une capacité de près de 60 MW. Bien que de taille moyenne, cette infrastructure va nettement doper la puissance électrique installée de Djibouti qui dépassait à peine 100 MW pour ce pays de 1,1 million d’habitants.
Le projet, initié il y a plusieurs années, est porté par la société de projet Red Sea Power dont le directeur est le Français François Mazé. Red Sea Power associe le fonds public privé panafricain Africa Finance Corporation, basé à Lagos, la banque de développement néerlandaise FMO et le fonds, lui aussi néerlandais, Climate Fund Managers. Deux institutions financières majeures du pays font également partie du consortium, à savoir le Fonds souverain de Djibouti et Great Horn Investment Holding (GHIH), une société d’investissement détenue par l’Autorité des ports et des zones franches.
Selon les déclarations du président Guelleh lors de l’inauguration : « la construction de ce parc éolien, qui s’inscrit dans le cadre de notre transition énergétique, constitue un jalon décisif. Nous sommes convaincus que sans l’augmentation de nos capacités nationales de production énergétique, le développement que nous souhaitons pour notre pays ne serait ni possible ni envisageable« .
Le schéma retenu est celui d’une concession de type BOOT pour 25 ans avec une garantie MIGA (Banque mondiale). Red Sea Power, le tout premier producteur indépendant du pays, revend 100% de son énergie à la compagnie publique Électricité de Djibouti. Le financement est assuré classiquement pour environ deux tiers de dette et un tiers de capital.
Une extension de 45 MW est déjà en vue pour cet investissement qui a coûté 122 millions de dollars, selon le président djiboutien. Red Sea Power a également investi dans une petite installation de dessalement alimentée par des panneaux photovoltaïques pour la population riveraine du parc éolien.
Particularité à noter, du fait du régime des vents très favorable dans cette région, le taux de charge attendu des 17 turbines Siemens Gamesa (3,4 MW chacune) sera d’au moins 40%. Ce niveau élevé est comparable aux performances des projets offshore, même si le parc de 387 hectares est implanté à terre.
Ce PPP entame une série d’ambitieux investissements, car Djibouti, un pays dont le PIB par habitant s’élève à 3 802 dollars, veut atteindre à moyen terme une capacité électrique de 300 MW en renouvelable, de quoi couvrir tous ses besoins. Cet objectif s’inscrit dans le cadre du programme présidentiel dit « Vision 2035 » qui promet d’assurer un accès universel à l’eau, l’assainissement et l’électricité, ainsi que l’indépendance énergétique.
Jusqu’ici, la production djiboutienne est assurée essentiellement par des centrales thermiques à fuel totalisant environ 100 MW de capacité, mais une grande part du courant consommé (80% en 2021, selon la Banque africaine de développement) est importée d’Ethiopie.
Dans le cadre de ce plan d’indépendance énergétique, et pour aller vite, le pouvoir djiboutien a décidé d’opter résolument pour les partenariats public-privé. Et le prochain sur la liste est le parc solaire de Grand Bara. Ancien projet d’Engie (qui s’en est désengagé voilà deux ans), celui-ci est situé à environ 70 km au sud-est de Djibouti et développera 25 MWc. Grand Bara a été repris par un des investisseurs les plus actifs en Afrique et au Moyen-Orient dans les renouvelables, à savoir le groupe de DubaÏ, Amea Power. Un accord d’achat d’électricité a été conclu le 28 août entre Amea Power et Électricité de Djibouti. Le bouclage financier du projet devrait intervenir sous peu. Lors de cette étape, il est prévu que le Fonds souverain de Djibouti prenne une participation minoritaire dans la société. A noter que le cabinet français d’avocats Gide Loyrette Nouel, très actif en Afrique, a conseillé Amea Power sur cette opération.
Parmi les autres investissements en germe figurent ceux portés par le fonds énergétique Neo Themis, basé à Casablanca. Sa directrice générale Tas Anvaripour a signé le 15 juin un MOU avec le Fonds Souverain de Djibouti et Great Horn Investment Holding pour développer, toujours en PPP, un programme intégré comprenant trois parcs solaires (15 MWc au total), une usine de dessalement (5 000 m3 par jour) et un site de stockage de GNL. Ces installations doivent contribuer à rendre autonome en énergie et en eau les deux plus grandes zones franches du pays, à savoir Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ) et Djibouti Damerjog Industrial Park (DDIP). Des investissements bienvenus pour Djibouti dont l’économie repose essentiellement sur le commerce. Le port en eaux profondes de Doraleh est ainsi l’une des principales portes d’entrée maritime pour l’Ethiopie, dont 95% du commerce transite par le pays cher à Henry de Monfreid et Arthur Rimbaud.