A côté des nombreux programmes multilatéraux existants, un fonds suédo-européen vient de débloquer de nouveaux financements pour promouvoir les méthodes de cuisson à faible impact sur la santé en Afrique, notamment en RDC. Les ONG et PME africaines s’emparent du sujet qui concerne près d’un milliard d’Africains.
Bientôt une enveloppe supplémentaire de financement pour la cuisine propre… MCFA (Modern Cooking Facility for Africa), un fonds multi-donateurs initié par la Suède va ouvrir de nouvelles lignes de crédit, à hauteur de 16 millions d’euros pour promouvoir et financer des équipements de cuisson domestique améliorés.
Le programme pourra être mis à contribution par des entreprises à impact ou ONG dans une logique de « scale up », avec des tickets allant de 0,5 à 2,5 millions d’euros, dont une part en subventions. Sept pays sont particulièrement ciblés : Kenya, Malawi, Mozambique, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe et RD Congo
Dans une initiative séparée, la MCFA vient, par ailleurs, de nouer un partenariat avec la société à impact BURN Manufacturing créée au Kenya par l’entrepreneur social canadien Peter Scott. La société développe et vend des plaques à induction et autres cocottes électriques. Après avoir déjà commercialisé un million d’unités de ses produits, elle va bénéficier d’un financement MCFA de 10 millions d’euros d’ici à 2027 pour se développer en RD Congo, au Kenya, au Mozambique, en Tanzanie et en Zambie. De plus, jusqu’à 10 millions d’euros supplémentaires pourrons être mobilisés pour BURN par MCFA en co-financement.
Créée en avril 2022, la facilité MCFA dotée de 30,8 millions d’euros lors de sa première levée de fonds est financée par la Suède, qui l’a initié, ainsi que l’Union européenne. Elle est gérée par la banque de développement nordique Nefco avec pour mission de lutter contre un mal silencieux.
Dans de nombreux pays, en effet, le recours aux foyers ouverts ou traditionnels fonctionnant au bois, au charbon de bois, charbon ou kérosène est à l’origine directe de maladies respiratoires chroniques, en particulier chez les jeunes enfants et les femmes. L’Agence internationale de l’énergie dans un rapport publié en juillet avec l’appui de la Banque africaine de développement estime qu’en 2022, dans le monde, 2,3 milliards de personnes n’avaient pas accès à des méthodes de cuisson propres, dont 980 millions en Afrique. Sur le continent africain, ce problème est la cause directe de centaines de milliers de décès prématurés. Sans parler de l’impact négatif sur les ressources en bois.
Depuis une dizaine d’années, à l’image de l’initiative mondiale « Clean Cooking Alliance » soutenue par les Nations Unies ou du fonds CCF (Clean Cooking Fund) d’une taille cible de 500 millions de dollars par la Banque mondiale en 2019, d’innombrables partenaires veulent mobiliser les énergies et les financements sur le sujet.
De fait, les programmes multilatéraux, partenariats public privé ou autres initiatives se multiplient comme, hormis la MCFA, récemment le Cook Fund européen (17 millions d’euros sur 2022-2024). Lors du Sommet africain sur le climat à Nairobi début septembre, un projet de nouvelle plateforme de financement ciblant 100 millions de dollars a été annoncé conjointement par la Clean Cooking Alliance, le Fonds de garantie africain (AGF) et le Fonds d’équipement des Nations Unies (UNCDF).
Quant au secteur privé, il n’est pas en reste et s’empare du sujet. Ainsi au Rwanda dans le cadre d’un programme des Nations Unies doté de 17 millions $, la société britannique Bboxx surtout spécialisée dans l’accès à l’électricité vient d’annoncer vouloir toucher un demi-million de personnes en distribuant, selon un système Pays as You Go (leasing) des équipements de cuisson propre. Ce plan est appuyé par la Banque de développement du Rwanda et EDCL, la filiale dans les énergies renouvelables de Rwanda Energy Group (REG).
De son côté, en avril dernier, le géant africain du « off grid » Sun King a acquis PayGo Energy, une PME kényane qui emploie environ 40 personnes et spécialisée dans le leasing d’équipement de cuisson propre pour se développer sur ce marché.
Pour sa part, le pétrolier italien ENI dans le cadre de sa politique ESG a fait produire et distribuer ces dernières années 25 643 foyers de cuisson améliorée au Ghana, au Mozambique ainsi qu’en Côte d’Ivoire. Dans ce pays, s’est notamment appuyé sur Green Ker, une TPE ivoirienne à impact créée par Ermann Zannou qui produit tous les mois des milliers de foyers améliorés Tika.
Les solutions dans ce domaine sont diverses, elles comprennent les petits fourneaux fermés à performances améliorées, ainsi que des équipements fonctionnant avec d’autres types d’énergie que le bois ou charbon de bois. On compte ainsi les équipements au gaz, à savoir le GPL le plus souvent, mais aussi biogaz produit localement avec des digesteurs. A ceux-ci s’ajoutent les appareils électriques qui nécessitent, soit une génération autonome, soit l’accès à un réseau local (minigrid) ou national.
Sortir 500 millions de personnes de la cuisson « sale » dans le monde, nécessiterait des investissements publics ou privés de 8 milliards de dollars, la moitié subventionnés, sur la prochaine décennie. Selon l’AIE, la moitié de cette somme devait être dépensée en Afrique subsaharienne. La promotion de la cuisson propre fait d’ailleurs partie des points inscrits dans la récente « Déclaration de Nairobi », validée par tous les chefs d’Etat et de gouvernements africains à l’occasion du sommet sur le climat de Nairobi. Le sujet sera aussi mis sur la table à la COP 28, par l’AIE, a promis son directeur exécutif Fatih Birol à l’occasion du sommet de Nairo.