Au Mozambique, les deux groupes français vont conduire avec Sumitomo Corp. la réalisation en concession d’un ouvrage de 1,5 GW sur le Zambèze. De quoi accroître l’indépendance énergétique du pays et aussi alimenter en électricité bas carbone le secteur extractif.
Déjà principal partenaire du barrage de Nachtigal au Cameroun (420 MW), EDF continue de creuser son sillon dans l’hydroélectricité en Afrique subsaharienne et voit de plus en plus grand. L’énergéticien français, principal partenaire du projet (40%), va conduire avec ses partenaires TotalEnergies et Sumitomo Corp. (30% chacun) un des plus gros projets d’investissement de tout le continent dans le secteur : le barrage de Mphanda Nkuwa sur le Zambèze dans le centre-ouest du Mozambique. Coût estimé : 4,5 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros).
En présence du président Filipe Nyusi, le 13 décembre dernier, le consortium a signé à Maputo avec les autorités l’accord de concession, après avoir été désigné partenaire stratégique le 26 mai. Outre un barrage au fil de l’eau et sa centrale électrique, le projet comprend la réalisation d’une ligne électrique haute tension de 1 300 km (550 kV à courant continu) jusqu’à Maputo.
L’ouvrage est crucial pour le Mozambique mais aussi pour ses voisins. Il doit accroître de moitié la capacité électrique du pays. Cette électricité bas carbone sera vendue pour une part au réseau national, mais le consortium prévoit aussi de conclure des contrats de vente à long terme (dit PPA)) avec des groupes miniers ou pétro-gaziers de la sous-région (Mozambique, Zambie, Afrique du Sud) très demandeurs d’électricité verte.
Pour rappel, TotalEnergies, qui creuse ainsi son sillon dans le pays, conduit par ailleurs le méga projet de gaz liquéfié Mozambique LNG (20 milliards de dollars) actuellement suspendu pour raisons sécuritaires.
Le futur barrage va accélérer la transition énergétique du Mozambique a martelé le président Nyusi lors de la cérémonie de signature lors de laquelle Chrysoula Zacharopoulou, Secrétaire d’État chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux faisait partie des invités officiels.
Ce méga projet, de longue date dans les cartons, a été emporté dans le cadre d’un vaste appel d’offres international qui a vu concourir notamment le norvégien Scatec ou le chinois PowerChina. Lors du duel final, le seul autre consortium encore en lice face au trio franco-japonais était un groupement africano-portugais constitué du groupe mauricien ETC, de l’entreprise publique zambienne Zesco, du Portugais Mota Engil et du Sud-africain PetroSA.
L’horizon pour la mise en service du barrage est estimé à 2031. D’ici là, devront être conduits les études d’ingénierie, le choix des équipementiers et sous-traitants, la conduite des travaux, sans oublier la recherche de financements.
Une partie de la levée de fonds va être conduite dans le cadre d’une société ad-hoc détenue par le consortium (SPV – special purpose vehicule) mais aussi de prêts souscrit par l’Etat qui détiendra 30% de l’ouvrage, via l’opérateur public Electricidade de Moçambique et la société Hidroeléctrica de Cahora. Cette dernière est exploitante de l’énorme barrage de Cahora Bassa (2 000 MW) à 60 km en amont du site de Mphanda Nkuwa. Une fois le nouveau projet en service, les exploitants des deux barrages devront se coordonner pour la gestion de l’eau du Zambèze, d’où cette implication.
Hormis la SPV qui devrait lever de l’ordre de 1 milliard d’euros en dette et capital, de nombreuses institutions financières de développement sont attendues comme bailleurs de fonds. La Société financière internationale (SFI) devrait être notamment en pointe. Cette filiale de la Banque mondiale, vouée au secteur privé, a signé un accord avec le Mozambique le 18 mai 2022 « pour structurer cet important projet, y compris l’examen de la conception technique, les garanties environnementales, la structuration commerciale et financière ».
Comme dévoilé lors d’une réunion à Maputo début juin 2023, l’Union européenne, via la BEI notamment, doit de son côté apporter 500 millions d’euros.
Parmi les autres partenaires financiers probables figurent la Banque africaine de développement, qui soutient fortement ce dossier, l’Agence française de développement ou la coopération japonaise (JICA et NEXI). A ceux-ci, s’ajoute notamment DBSA la banque de développement sud-africaine, au vu des enjeux du barrage en matière de sécurité électrique pour l’Afrique du Sud.
Alors que le « closing » financier est envisagé pour 2026, la campagne de levée de fonds débutera dès cette année, de même, sans doute, que certains appels d’offres préliminaires.