Les pays du sud-est asiatique attirent à nouveau en masse les investissements internationaux et retrouvent leur meilleur niveau. Ils dépassent la Chine en termes de croissance du PIB et la talonnent pour les IDE. La région connait un boom des projets dans les puces.
Un redémarrage en fanfare… les investissements directs étrangers (IDE) dans la zone Asean ont fait un bond de 42% en 2021. Mieux, ils ont exactement retrouvé leur plus haut niveau historique, à savoir 174,1 milliards de dollars en 2019, selon le récent rapport publié par les services économiques de l’Asean.
Cette organisation régionale et zone de libre-échange, forte de 10 Etats, regroupe tous les pays de la région (Indonésie, Vietnam, Thaïlande, Singapour, Philippines, Malaisie…), à l’exception du Timor oriental.
En 2021, l’Asean, dont le secrétariat général est situé à Djakarta, aura représenté 11% des IDE mondiaux contre un moyenne de 7% sur la période 2011-2017. L’essentiel des flux entrants, soit 120 milliards de dollars, provenait de régions autres que la zone Asie Pacifique, pour l’essentiel les Etats-Unis et l’Europe. Avec ce rebond de 2021, le stock d’IDE de la zone Asean s’élève désormais à 3 100 milliards de dollars, soit une hausse de 72% depuis 2015.
La croissance des IDE a été soutenue l’an dernier par un regain d’investissements étrangers dans l’économie numérique, les infrastructures, notamment les projets dans les énergies renouvelables et l’industrie. A lui seul, le secteur manufacturier a vu ses IDE bondir l’an dernier de 134% à 45 milliards de dollars, selon l’Asean qui devient véritablement « l’usine du monde » dans tous les domaines, y compris la high-tech. Singapour a, par exemple, accueilli un investissement de 4 milliards de dollars de GlobalFoundries, groupe basé aux Emirats Arabes Unis, pour construire une usine de puces. Dans ce secteur des industries de pointe, la Malaisie, pour sa part, affiche trois projets majeurs dans les semiconducteurs, à savoir ceux de Risen Solar Technology (un groupe chinois) pour 10 milliards de dollars, d’Intel pour 7 milliards de dollars ou encore de la société autrichienne AT&S pour 2,1 milliards de dollars. Au total au sein de l’Asean, en 2021 les projets d’IDE annoncés dans les puces et les composants électroniques auront été multipliés par 5 à près de 47 milliards de dollars! Une traduction directe des tensions entre la Chine et les Etats-Unis à propos de Taiwan et la quête par les fabricants de semiconducteurs de nouvelles géographies pour leurs projets industriels.
Le Vietnam ou la Thaïlande, de leur côté, connaissent une forte poussée des IDE, dans le secteur des véhicules électriques. Quant au domaine du digital, auquel est consacré une large partie du rapport de l’Asean, la région connait une véritable explosion des « deals » dans le capital risque. Ce type d’opérations a été multiplié par trois l’an dernier pour atteindre 900 deals et 22 milliards de dollars. Les experts de l’Asean relèvent qu’outre les acteurs spécialisés du private equity, les grands conglomérats régionaux comme Djarum Group (Indonesie), Ayala Group (Philippines) ou Charoen Pokphand (Thailande) sont particulièrement actifs dans le financement des start-ups et autres licornes dans une approche intra-Asean.
Autre fait marquant, relatif à la dynamique interne du continent asiatique, l’an dernier, les IDE vers l’Asean ont talonné de très près, en valeur, ceux à destination de la Chine. Pékin a vu ses entrées d’investissements directs progresser de 23% seulement pour atteindre 181 milliards de dollars. Ce chiffre en valeur absolue est à peine supérieur à celui de l’Asean, alors que la Chine affiche un PIB plus de quatre fois supérieur à celui des 10 pays d’Asie du sud-est.
Ce basculement se retrouve dans les prévisions d’évolution du PIB sur le continent asiatique. Ainsi, la croissance des économies de l’Asean devrait, cette année, largement dépasser celle de la Chine, anticipe la Banque mondiale dans une estimation publiée le 26 septembre dernier. Selon l’institution basée à Washington, la croissance de l’ex-Empire du milieu, plombée par sa politique extrême zéro-covid, ne sera que de 2,8% en 2022 contre 5,1% pour les cinq principaux de la zone Asean. Un fait inédit depuis trente ans qui suggère qu’un grand basculement en Asie a peut-être débuté…