Les projets se multiplient, notamment dans le corridor sud-est du pays, région la plus industrialisée de Thaïlande. La Chine fait la course en tête, notamment dans les véhicules électriques.
Des centres de production de batteries ou d’assemblage de véhicules électriques, des data centers « hyperscale », des usines métallurgiques ou chimiques… les projets pleuvent comme la mousson en Thaïlande. En 2023, les demandes de promotion des investissements y ont atteint un sommet sur cinq ans à 848,3 milliards de bahts (environ 24 milliards de dollars), soit un bond de 43 % par rapport aux chiffres ajustés de l’exercice 2022. C’est ce qui ressort des données récemment dévoilées à Bangkok par Narit Therdsteerasukdi (photo), secrétaire général du BOI (Board of Investment ), l’agence thaïlandaise des investissements, rattachée au Premier ministre.
En termes de nombre de projets, les autorités du pays ont enregistré 2 307 demandes l’an dernier, soit une hausse de 16%.
Selon le BOI, 58 % en valeur de ces promesses d’investissement sont concentrés dans les secteurs récemment déterminés comme prioritaires par les autorités. L’an dernier, la Thaïlande, à travers le BOI a, en effet, mis à jour sa stratégie industrielle qui vise à encourager en priorité ces cinq secteurs: l’économie verte (dénommée BCG pour Bio Circular Green), les véhicules électriques, l’électronique de pointe, le numérique et la création. En ce sens, les pouvoirs publics ont publié un nouveau guide des investissements extrêmement détaillé qui fixe notamment les aides et exonérations fiscales, pouvant aller jusqu’à treize ans, selon les secteurs.
Les dépôts de demandes effectués par les entreprises auprès du BOI visent, en effet, à obtenir des autorisations d’exploitation et bénéficier, le cas échéant, de divers soutiens publics. Ces avantages fiscaux sont accordés aussi bien aux investisseurs nationaux qu’étrangers, mais le plus gros de la progression des projets d’investissement provient des entreprises internationales. Ainsi, à 663,2 milliards de bahts (18,5 milliards de dollars), les investissements directs étrangers ont bondi de 72 % l’an dernier par comparaison à 2022, selon les pointages provisoires du BOI.
En tête des pays investisseurs figure, pour la deuxième année consécutive, la Chine avec 430 projets et 24 % de la valeur totale des demandes. Traditionnellement, le « Pays du sourire » avait pour principaux investisseurs des entreprises venant du Japon ou des Etats Unis, mais cette hiérarchie a été bouleversée ces dernières années, la Chine passant devant, une première fois, en 2019. Comme plusieurs autres pays d’Asie du Sud-Est, dont le Vietnam, la Thaïlande connaît, en effet, un afflux massif de capitaux chinois. Les industriels de l’ex-Empire du Milieu cherchent à trouver des relais de croissance au sein de l’ASEAN avec qui la Chine a conclu un accord de libre-échange voilà vingt ans. Les entreprises chinoises veulent également s’affranchir des tensions commerciales entre Pékin et Washington en délocalisant leur production. Une tendance qui fait les affaires des grands développeurs thaïlandais de parcs industriels comme Amata ou WHA, un groupe qui vient d’enregistrer des résultats historiques en 2023. A noter, qu’à côté de la Chine, Singapour a été le deuxième pays source des demandes d’investissement déposées en 2023 (194 projets pour 123,39 milliards de bahts) suivi par les États-Unis (40 projets pour 83,95 milliards de bahts) et le Japon (264 projets pour 79,15 milliards de bahts).
Au plan géographique, dans ce pays de 71 millions d’habitants et 513 000 km 2, près de 45% des projets en valeur sont localisés dans la zone à statut spécial nommée Eastern Economic Corridor (EEC) à cheval sur trois provinces (Rayong, Chonburi, and Chachoengsao) dans le sud-est du royaume.
Cet ensemble géographique de 13 266 km² et près de trois millions d’habitants est, de loin, la région la plus industrialisée de la Thaïlande et comprend aussi le port de Laem Chabang. Actuellement en phase d’extension, celui-ci a connu en 2023 une année record (9 millions de conteneurs). L’EEC aussi dénommé Eastern seaboard, abrite d’innombrables grandes entreprises internationales, en particulier dans le secteur automobile, dont Toyota, Honda, Mitsubishi, Nissan, Suzuki, Mercedes-Benz ou BMW.
La Thaïlande entend devenir, à grand coup d’incitations fiscales, une plate-forme de production privilégiée pour les véhicules électriques dans toute l’Asie du Sud-est. Le pays, qui a assemblé 1,84 million de voitures en 2023 (soit plus que la France) veut orienter 30 % de sa production vers l’électrique d’ici à 2030. Une stratégie à laquelle adhèrent en masse les industriels chinois. Ces derniers mois, plusieurs constructeurs chinois comme BYD, Hozon ou Changan ont annoncé ou lancé, pour plus de 1 milliard d’euros au total, des projets d’usines d’assemblage de véhicules électriques dans le Eastern Economic Corridor.