Profiter d’une situation financière florissante pour lancer une nouvelle étape structurante de développement face à des concurrents poids lourds comme le Canadien Nutrien ou l’Américain Mosaic… ainsi se présente la nouvelle stratégie d’investissement du groupe marocain OCP.
PDG depuis 2006 du producteur de phosphates et d’engrais Mostafa Terrab, 67 ans, a présenté son nouveau plan au roi Mohammed VI le 3 décembre à Rabat. Celui-ci se chiffre à 130 milliards de dirhams sur la période 2023-2027, soit 11,7 milliards d’euros. Un des axes majeurs de ce programme, qui devrait générer 25 000 emplois directs et indirects, est la décarbonation.
L’objectif du groupe est de se fournir en électricité verte à hauteur de 50 GW que ce soit par des contrats avec des producteurs d’électricité verte ou des investissements directs. Objectif final : atteindre la neutralité carbone en 2040. A titre d’illustration, les parcs photovoltaïques qui seront implantés sur la zone minière de Khouribga doivent atteindre une capacité de 760 MW en 2027 contre 0 aujourd’hui.
Le premier industriel du royaume chérifien entend aussi se lancer dans l’hydrogène renouvelable et par extension l’ammoniac vert qui pourrait être mis à profit pour produire la composante azotée des engrais comme le DAP. La cible est fixée à 1 million de tonnes d’ammoniac en 2027 puis 3 millions de tonnes en 2032 ceci notamment dans le sud du pays par des unités d’électrolyse alimenté par des parcs solaires et éoliens de 35 GW près de Tarfaya.
En parallèle, l’OCP va développer ses capacités de dessalement d’eau de mer (560 millions de m3 par an en 2026) pour réduire la ponction de ses différents process sur la ressource hydrique du pays, souvent en tension. A Jorf Lasfar au sud de Casablanca sur la plus importante plateforme industrielle du groupe, les unités de dessalement doivent atteindre ainsi une capacité de 300 millions de m3 par an en 2025, contre 40 seulement aujourd’hui.
A noter que l’OCP entend se renforcer aussi dans la chimie de spécialité pour les batteries de type lithium fer phosphate (LFP).
A tous ces projets s’ajoutent aussi des investissements dans la production pour atteindre une capacité de 20 millions de tonnes d’engrais à l’issue du cycle d’investissement, contre 12 millions de tonnes aujourd’hui. La production de roche de phosphate doit, elle, atteindre 70 millions de tonnes, soit un doublement du niveau actuel. OCP veut notamment construire un tout nouveau complexe industriel et minier à Mzinda (nord-ouest de Marrakech) pouvant traiter 6 millions de tonnes de roche (mines de Benguerir Youssoufia et bientôt Meskala) et produire 2 millions de tonnes d’engrais d’ici à 2027.
Pour rappel, le groupe dont les marchés traditionnels étaient l’Europe et les deux Amériques s’est, par ailleurs, engagé depuis quelques années dans une forte expansion de ses entités commerciales et industrielles au sud du Sahara, avec sa filiale OCP Africa. Il développe en ce sens des projets d’usines qui sont essentiellement à ce stade des unités de mélange, comme au Nigeria récemment. Autre axe de cette stratégie africaine, l’OCP finance divers projets de recherches agronomiques sur des formulations adaptées aux sols africains. Ceci notamment avec l’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguerir, dont il est un important contributeur financier.
Ce vaste plan de développement survient alors que le groupe basé à Casablanca enregistre des résultats records. Tiré par la flambée mondiale du prix des engrais, son chiffre d’affaires sur les neufs premiers mois de l’année vient de progresser de 39% à 8,95 milliards de dollars. Quant à son Ebitda, à 4,31 milliards de dollars, il a fait un bond de 57%. Mais attention, car les prix mondiaux ont commencé à se retourner depuis quelques mois.