C’est à à Bukavu, capitale du Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, que Murhula Zigabe élève des mouches soldats noires.
A partir des larves de celles-ci, il produit un aliment pour animaux riche en protéines, qui assure une alternative aux protéines de soja et de poisson dont la production menace l’environnement et la sécurité alimentaire.
C’est en 2018 que Murhula Zigabe crée l’entreprise « Briquette du Kivu » qui produit du charbon écologique à partir de déchets organiques ramassés dans les rues (restes de maïs, épluchures de bananes, etc.). Il s’agit d’une alternative au charbon de bois, utilisé par l’immense majorité des Congolais pour cuisiner. L’entrepreneur s’est très vite rendu compte qu’il ne pouvait pas utiliser tous les déchets ramassés pour fabriquer du charbon écologique. Il a alors l’idée en avril 2021 d’utiliser certains de ces déchets à faible densité (tels que les fruits et légumes déjà pourris) pour nourrir des larves de mouches soldats noires.
Ces mouches soldats noires ne piquent pas et ne mangent pas. Elles ne font que boire de l’eau et pondre des œufs. Les larves issues de ces œufs se nourrissent de déchets alimentaires et, très riches en protéines, sont elles-mêmes ensuite utilisées par des éleveurs locaux pour nourrir leurs bêtes.
Le cercle est vertueux : L’équipe de “Briquette du Kivu” ramasse les déchets alimentaires dans les poubelles des restaurants, des hôtels, ou encore des écoles, pour ensuite les donner à manger aux larves des mouches soldats noires. Cela permet dans un premier temps de nettoyer la ville de ces déchets qui polluaient l’environnement et d’éviter la déforestation du pays pour produire du charbon de bois.
Dans un second temps, avec ce centre de multiplication de mouches soldats noires, les éleveurs locaux ont accès à une alimentation moins coûteuse. Alors qu’ils se rendaient auparavant au Rwanda, au Burundi ou en Ouganda pour acheter le kilo de protéines un dollar, les protéines d’insectes leur reviennent à 0,75 dollar. De plus, cette protéine est plus riche que la farine de soja et de poisson. Les avantages sont donc triples, voir quadruples : Les éleveurs locaux ont accès à une alimentation moins coûteuse, ce qui permet de lutter contre l’insécurité alimentaire. Aucun impact sur l’environnement : Plus besoin de pêcher des tonnes de poissons et détruire des forêts pour produire des protéines de poisson et de soja. Pas besoin d’électricité non plus pour convertir les déchets en protéines.
Actuellement la RDC compte plus de 80 millions d’habitants, et sa population devrait doubler d’ici trente ans, mais malheureusement elle ne produit pas assez de nourriture, alors que c’est un pays à fort potentiel agricole. Chaque année, le pays dépense donc environ 2 milliards de dollars pour importer de la nourriture, pour les humains et les bêtes. Dans le même temps, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, les protéines d’insectes peuvent contribuer à la sécurité alimentaire humaine et animale. Ces insectes sont partout, ils se reproduisent rapidement, ils sont nutritifs et leur production a un faible impact environnemental par rapport aux protéines végétales. Un boulevard pour “Briquette du Kivu”…
Malheureusement, si l’entreprise de Murhula Zigabe attire de plus en plus d’agriculteurs, sa production est encore faible, ce qui ne permet pas de répondre à toute la demande. A long terme, il ambitionne néanmoins de faire de « Briquette du Kivu » une entreprise de référence en matière d’écologie en République démocratique du Congo.