L’activité des compagnies africaines dépassera son niveau pré-covid dès cette année sauf pour le cône sud. Le trafic devrait reprendre un fort rythme de croissance, sous réserve d’importants investissements en infrastructures, sécurité et formation qu’IATA entend soutenir avec sa nouvelle initiative « Focus Africa ». Mais les opérateurs continuent d’enregistrer de lourdes pertes.
Royal Air Maroc, Ethiopian, Air Algérie… La plupart des compagnies du continent sont en phase de redécollage accéléré. Si toutes n’ont pas encore retrouvé leur altitude de 2019, cela ne devrait plus tarder. Le retour à une situation pré-covid en termes de passagers kilomètre pour l’ensemble de l’Afrique est désormais attendue pour 2024 par l’IATA, l’association mondiale du transport aérien qui tablait précédemment sur 2025 pour dépasser ce seuil symbolique. Ces chiffres ont été dévoilés le 3 avril à l’occasion d’un point sur l’activité et les perspectives du ciel africain réalisé par l’organisation basée à Montréal et Genève.
En fait, trois régions africaines sur quatre (nord, est, centre/ouest), vont même retrouver ou dépasser dès cette année leur niveau de 2019. L’Afrique australe, plombée notamment par la mauvaise situation économique de l’Afrique du Sud, fait figure d’exception notable et ne retrouvera son niveau pré-covid qu’en 2025, selon les estimations d’IATA.
Au-delà, l’organisation conduite par Willie Walsh, directeur général et que présidera, en juin, pour un an, la rwandaise Yvonne Makolo (Rwandair) anticipe une forte croissance sur le continent pour les années à venir. Le trafic devrait ainsi, d’ici à 2035, quasiment doubler à 263 millions de passagers contre 134 millions en 2022. De quoi, un peu, combler son retard pour l’Afrique. Car s’il représente 18 % de la population mondiale, le continent pèse seulement 2,1 % des activités de transport aérien mondial (fret et passagers).
Pour les compagnies et les Etats, les défis à venir sont à la hauteur de ces perspectives de croissance. Selon Willie Walsh, « les infrastructures limitées, les coûts élevés, le manque de connectivité, les obstacles réglementaires, l’adoption lente des normes mondiales et les pénuries de main-d’œuvre sont autant de facteurs qui nuisent à l’expérience client ainsi qu’à la viabilité et à la durabilité des compagnies aériennes africaines ». On pourrait ajouter la fragmentation des opérateurs.
De fait, à l’exception notable d’Ethiopian Airlines, le manque de rentabilité des compagnies africaines demeure un sérieux frein pour que la croissance prenne sa pleine mesure. South African Airways ou Air Mauritius ont été en situation de quasi-faillite pendant la crise covid, sans parler de Tchadia Airlines, liquidée, mais au-delà de ces cas particuliers, les opérateurs du ciel africain cumulent de lourdes pertes. Celles-ci se sont chiffrées à 3,5 milliards de dollars sur la période 2020-2022 selon IATA qui évalue à 213 millions de dollars les pertes pour 2023
Dans ce contexte, l’organisation vient d’annoncer l’initiative « Focus Africa » qui vise à combler l’écart de niveau d’activité avec le reste du monde ‘ »afin que l’Afrique profite de la connectivité, des emplois et de la croissance associés à l’aviation ». Pour rappel, le secteur aérien soutenait déjà 7,7 millions d’emplois et 63 milliards de dollars d’activité économique en Afrique avant la Covid.
IATA a fixé six domaines prioritaires sur lesquels elle compte soutenir à des degrés divers les compagnies et les gouvernements africains. Ces domaines sont les suivants : sécurité en vol et au sol, infrastructures, connectivité (marché unique africain de transport aérien aujourd’hui imparfait), financement, durabilité (objectif « Net Zero by 2050 » de l’Organisation de l’aviation civile internationale de l’ONU) et enfin la formation et le développement des compétences.
La mise en œuvre de ces objectifs passera par des « partenariats », sans autres précisions, à ce stade. Le détail du plan sera, en effet, annoncé lors d’un événement dédié de IATA les 20 et 21 juin à Addis-Abeba, une ville qui, ce n’est sans doute pas un hasard, est le hub de la compagnie la plus performante du continent.