La mesure destinée à contrer les importations, notamment européennes, s’appliquerait à partir de fin 2024. Elle vise également les œufs. Le pays importe plus de 65 000 tonnes de volailles par an, dont une part est revendue au Nigeria.
Cuisses de poulets congelées importées ou poulet bicyclette, autrement dit la volaille traditionnelle ? Le gouvernement béninois a choisi. Il prévoit de bannir à compter de fin décembre 2024 toute importation de volaille surgelée, selon les déclarations de Gaston Dossouhoui, ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche. Celui-ci s’est exprimé en ce sens le 17 avril dernier lors d’une rencontre sur le terrain avec des agriculteurs, producteurs de soja à Savalou dans le centre sud du pays.
Cette décision radicale, qui risque de bousculer le secteur des grossistes-importateurs, est destinée à relancer la production béninoise de volailles, informelle ou organisée, face aux importations de poulets, pour la plus grande partie des cuisses et des ailes en provenance de l’Union européenne. La mesure, dont les détails restent à préciser, est, a priori, contraire aux règles de l’OMC, dont le Bénin est membre depuis 1996, sauf situation avérée de dumping que le pays devrait démontrer.
La crise covid a rappelé l’importance clé des filières agricoles nationales en Afrique. Mais dans le pays présidé par Patrice Talon, l’importation de volailles s’est considérablement développée depuis une quinzaine d’années. Selon les statistiques de la FAO consultées par notre rédaction, les achats extérieurs du Bénin se sont élevés à 65 653 tonnes en 2021 (49 749 tonnes en 2020, année de la Covid) pour une valeur de 60,9 millions de dollars. Souvent plus compétitives en termes de prix que les produits locaux, surtout dans un contexte de hausse du prix des intrants, les découpes de poulets importées bénéficient aussi de l’urbanisation croissante de la population (environ 50%) et des changements de mode de consommation qui lui sont liés.
Dans les grandes villes du Bénin, le prix du poulet importé est en moyenne presque deux fois moins cher que celui issu de la production locale, selon une étude sur le sujet réalisée par le Centre pour le développement rural de l’Université Humboldt de Berlin, parue fin 2021, ceci en dépit du niveau des droits de douane sur les volailles importées qui est celui du TEC de la CEDEAO, à savoir 35%.
A noter que le niveau des importations a considérablement varié ces dernières années en volume, dépassant parfois les 120 000 tonnes par an en raison notamment d’importantes réexpéditions clandestines vers le Nigeria voisin, un pays qui a banni de longue date l’importation de volaille pour protéger son marché intérieur. A ce titre, les importations béninoises avaient chuté de moitié en 2019 lorsque le Nigeria avait fermé ses frontières commerciales avec son voisin.
La filière béninoise comprend, d’une part, les éleveurs informels ou familiaux, et la production organisée, d’autre part, qui tente de prendre son envol, sous l’égide notamment de l’Interprofession de l’aviculture du Bénin, créée en 2011 et d’entreprises comme CDPA AgriSatch ou Agro Dynamique. Les points critiques se situent au niveau du développement des couvoirs (poussins d’un jour), de la production compétitive, en termes de prix, d’aliments composés ou encore des structures de transformation. Les acteurs de la filière, dont la société Coopérative Volailles du Bénin, avec le soutien de bailleurs (dont l’Union européenne) ont mis sur pied il y a quelques années un abattoir de volaille semi-industriel à Abomey Calavi, près de Cotonou.
Plus largement, le développement de la filière s’intègre dans le cadre du Plan National d’Investissements Agricoles et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle, conduit par l’Etat avec le soutien de bailleurs de fonds dont la troisième phase a été officiellement lancée le 22 septembre 2022 à Cotonou par Gaston Dossouhoui.