Avec une femme Présidente de l’Assemblée nationale et une femme Cheffe de Gouvernement, le Togo semble accorder une place privilégiée à la femme dans la sphère publique. Si le secteur public voit émerger des femmes dans ses sphères de décision, cela s’observe moins dans le secteur privé. L’accession des femmes à des postes de responsabilités dans des entreprises à forte capitalisation reste limitée. Suite à ce constat, la Fédération des Femmes Entrepreneures et Femmes d’Affaires du Togo (FEFA TOGO), a créé le Centre Entrepreneurial des Femmes d’Affaires du Togo, dénommé « Innov’Up ». Ce dernier est doté d’un incubateur de start-up féminines. Nous avons rencontré Candide Leguede, sa fondatrice.
48% des femmes entrepreneures évoluent dans le secteur informel au Togo. C’est un constat que pose Candide Leguede, fondatrice d’Innov’Up. La demande est là, les structures manquent. C’est pour répondre à ce besoin croissant et à ce regain d’intérêt de l’entrepreneuriat féminin qu’Innov’ Up est né, en 2015. Il s’agit d’un centre entrepreneurial des femmes d’affaires du Togo mis en place avec l’appui financier du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement).
Innov’Up, a pour but de « mettre en exergue et de consolider les initiatives économiques des femmes togolaises et de contribuer à leur émergence » explique sa fondatrice.
En effet, l’entrepreneuriat féminin togolais et de la sous-région s’établit principalement dans le secteur informel. « Les femmes sont majoritaires dans les unités économiques de subsistance et ont plus de difficultés que les acteurs masculins à cheminer vers un niveau opérationnel supérieur à cause des contraintes sociales, économiques, culturelles et éducationnelles. » commente Madame Leguede.
Donner de la visibilité à ces entreprises passe par la formalisation de leur activité.
« Ce que nous voulons, c’est que chaque entreprise ait un numéro matricule et qu’elles soient mises dans la situation réelle d’une entreprise gérée de façon formelle. »
L’incubateur facilite donc la transition de ces entreprises de l’économie informelle à l’économie formelle, tout en leur permettant d’avoir de bonnes bases de management pour s’inscrire dans la durée.
Un an pour structurer formellement son entreprise
Chaque année, Innov’Up lance un appel à candidature . Postulent, les startups ou des entreprises de 3 à 10 ans d’existence ou des femmes ayant juste une idée de projet. Entre 15 et 20 projets sont retenus pour suivre le processus d’incubation.
« Nous recevons environ une centaine de candidatures. Une présélection de 40 entrepreneures est faite. Ensuite, ces dernières passent devant un jury qui retient 15 à 20 projets qui vont aller à l’incubation ».
Commence alors une aventure de 12 mois, au cours desquels les incubées sont accompagnées dans la structuration formelle de leur activité. Les premiers pas se font par un diagnostic de leur business et l’établissement d’un business model. Leurs potentiels, besoins, points forts et points faibles sont analysés et un plan d’accompagnement est élaboré.
S’ensuivent des formations trimestrielles cadrées par thématiques et un coaching personnalisé, avec cinq coachs spécialistes à disposition.
« Nous offrons également un accompagnement juridique pour que les entreprises puissent être enregistrées auprès des institutions économiques togolaises et fassent le choix éclairé du statut juridique le mieux adapté à leur structure. En matière de gestion et comptabilité, on leur apprend la comptabilité de base, la gestion de stocks ainsi que l’élaboration d’un bilan comptable pour une meilleure compréhension du bilan de leur entreprise. » commente Candide Leguede.
Chaque année, les entreprises sont sélectionnées selon une thématique choisie. En 2019 la thématique retenue était l’agroalimentaire, en 2021, l’artisanat. Cela permet de cibler l’accompagnement au plus près des besoins des entreprises, justifie Candide Leguede.
A leur sortie, les entrepreneures bénéficient d’un suivi post-accompagnement. Par exemple, Innov’Up les soutient dans la levée de fonds : « nous présentons celles qui ont un fort potentiel de croissance à nos partenaires pour financement, à des fonds d’investissements ou à des concours internationaux » informe Candide Leguede.
Des résultats encourageants pour la sensibilisation à l’entrepreneuriat féminin
Depuis ses débuts en 2015, l’incubateur a accompagné 108 entrepreneures dont 80 sont allées au bout du processus de formalisation.
Si toutes ne vont pas au bout du processus, l’enjeu est également de sensibiliser les jeunes femmes à l’entrepreneuriat.
« Des sessions dédiées permettent l’échange entre des entrepreneurs expérimentés et les jeunes pousses, où le partage d’expérience négative comme positive est encouragé » indique la fondatrice d’Innov’Up. Elle continue : « Depuis 2015, 56% des start-up incubées sont rentables et ont su consolider leur initiative. Plus de 100 emplois ont été créés dont 50 permanents. »
Un engagement personnel en faveur de l’émancipation de la femme
Candide Leguede ne s’en cache pas. Avoir fondé l’incubateur est un engagement personnel en faveur de la cause féminine.
« En tant que femme entrepreneure, je connais leur dynamisme, qui n’est plus à démontrer. On sait que l’entrepreneuriat féminin pousse des ailes au Togo et dépasse le cadre du Togo, à l’image des Nanas Benz » se défend-elle. [Les Nana Benz sont des femmes d’affaires, originaires du Togo, actives dans les années 1960 à 1980 dans le commerce lucratif de pagnes en wax hollandais, ndlr].
Selon elle, l’activité économique des femmes est un levier non négligeable de l’économie togolaise. L’autonomie financière des femmes leur permet également de contribuer sur le plan politique. Un impératif pour en faire un exemple d’équité de genre.
Et de conclure : « Malgré la pandémie, les femmes ont su faire face à cette situation et garder le cap. Elles sont toujours actives et savent saisir les opportunités qui s’offrent à elles. »
Innov’Up est une initiative pilote au Togo mais Candide Leguede espère bien la développer à l’international, notamment dans d’autres pays membres de la CEDEAO.