En pointe en matière de réserve et d’extraction, le continent doit encore gagner la bataille de la transformation, vient de rappeler une note du FMI.
Publiée le 19 avril dernier à l’occasion de l’assemblée générale annuelle du FMI et de la sortie de ses prévisions économiques annuelles, une note de l’institution de Washington, vient une nouvelle fois mettre en évidence les potentialités de l’Afrique en matière de minéraux critiques pour la transition énergétique.
L’Afrique subsaharienne, recèle ainsi, selon les estimations citées par le document, 30% des réserves minérales critiques prouvées dans le monde. Le continent est déjà en pointe dans la production de minéraux comme le cobalt, le graphite, le manganèse, les platinoïdes ou le chrome. Ceci à l’image de la RD Congo qui assure 70% de la production mondiale de cobalt ou encore de l’Afrique du Sud, du Gabon et du Ghana, qui pèsent à eux trois 60% de la production mondiale de manganèse. On peut ajouter les importantes réserves en matière de lithium du Zimbabwe, de la RD Congo et du Mali ou encore celle de graphite du Zimbabwe, de Madagascar ou de Tanzanie, sans parler de la bauxite en Guinée!
Dans le cadre du scénario global Net Zéro 2050, rappelle la note du FMI, les revenus mondiaux provenant de la production de quatre minéraux clés, à savoir le cuivre, le nickel, le cobalt et le lithium, sont estimés à 16 000 milliards de dollars ces 25 prochaines années. L’Afrique devrait capter plus de 10 % de ces revenus cumulés, soit près de 2 000 milliards de dollars. Ces perspectives de boom minier pourraient augmenter le PIB de l’Afrique subsaharienne de 12%, voire davantage, d’ici 2050.
La note du FMI met en évidence, par comparaison, la relative faiblesse des revenus pouvant être escomptée par les États de la production pétrolière et gazière sur la même période. Estimés à 625 milliards de dollars sur les 25 prochaines années (…), ces revenus sont, « au mieux, modestes », estime le FMI, reflétant la faible part des réserves mondiales de combustibles fossiles de l’Afrique subsaharienne, sans compter la baisse attendue de la demande mondiale de carburants fossiles. Cette situation est encore aggravée par l’intensité carbone plus forte (de 70 à 80% en moyenne) et les coûts d’extraction plus élevés (de 15 à 20% en moyenne) des hydrocarbures en Afrique subsaharienne comparés à la moyenne mondiale.
Le scénario « rose » de revenus élevés générés par les métaux critiques doit toutefois être tempéré par plusieurs facteurs, rappelle la note du FMI. Le premier groupe de facteurs tient d’une part à la volatilité du prix des matières premières et d’autre part aux évolutions technologiques, notamment dans le domaine des batteries pour véhicules électriques qui pourraient rendre certains minéraux « obsolètes ».
A ceci s’ajoute un autre argument : la trop faible valeur ajoutée captée par les Etats africains dans l’extraction de ces minéraux. L’essentiel de cette valeur se trouve en aval de la chaîne, dans des opérations de transformations industrielles, où l’Afrique demeure trop faiblement présente.
« En s’en tenant aux [seules] étapes d’extraction à faible valeur ajoutée, les pays risquent de perdre des avantages substantiels issus de la transformation. Le développement d’industries de transformation locales pourrait augmenter considérablement les bénéfices, accroître les recettes fiscales, créer des emplois plus qualifiés et accroître les retombées technologiques positives« , appuient les auteurs de la note pour qui la production de minéraux raffinés permettrait aussi notamment de réduire l’exposition des économies africaines à la forte volatilité des prix.
En ce sens, de plus en plus d’États, à l’image de la Guinée ou du Ghana, mettent en place des législations interdisant progressivement l’exportation de minéraux bruts. Selon le document du FMI, 17 pays d’Afrique subsaharienne appliquent des réglementations sur le contenu local dans les activités minières et connexes, englobant la propriété nationale, les quotas d’emploi local et les directives en matière de passation de marchés pour les investisseurs étrangers. Toutefois les résultats sont plutôt mitigés. Entre 2016 et 2022, au plan mondial, l’Afrique subsaharienne a attiré chaque année environ 13% des nouveaux projets d’investissements directs étrangers mondiaux annoncés dans le secteur des métaux et des minéraux. En moyenne, 73% de ceux-ci ont été consacrés à l’extraction et seulement 26 % à la transformation.
De manière proactive, se mettent toutefois peu à peu en place des initiatives comme celle conduite conjointement par la Zambie et la RD Congo voulant créer, avec le soutien d’Afreximbank et des Nations Unies, des zones économiques spéciales pour produire des composés chimiques pour batteries.
Pour aller plus loin, les Etats africains feront face à de nombreux obstacles, dont au premier chef le financement. Toutefois, « l’argent n’est qu’une partie d’un puzzle plus vaste« , analysent les experts du FMI. Ceux-ci estiment ainsi que les entreprises de la région affichent du retard en matière de savoir-faire pour passer à une transformation sophistiquée génératrice de valeur. Quant au manque d’infrastructures et de systèmes électriques solides, il constitue un handicap majeur. La bataille des minéraux critiques ne se gagnera pas aisément.